Il faudrait disséquer et
redisséquer How to with John Wilson
avec autant de découpes diamétralement incompatibles pour essayer d’en saisir sa
dense et folle richesse : John observe d’autres new-yorkais ; John a
peur de la mort ; John peine à communiquer ; John interroge son quotidien.
Tantôt philosophe naïf, tantôt poète du réel, tantôt investigateur décalé,
pendant trois saisons sur HBO, John Wilson a développé sur la base d’une même
recette une méthodologie de cinéma dont on ne peut qu’admirer la cohérence
monomaniaque, à base de conventions psychotiques, de figures américaines
marginales et solitaires, de déconstruction systématique du chaos de la vie
urbaine, de doutes existentiels étouffés.
Une flaque de café extravagamment
épongée par deux pages de journal, un sac de pain suspendu dans le métro, une
femme envahie par des pigeons, une collection d’enseignes de magasins aux noms invraisemblables :
ces quelques « images de la vie contemporaine »,
captées par une caméra-espion d’un regard qui s’égare, comme des haïkus du
tumulte citadin, ne sont finalement que des ponctuations décalées d’une
écriture bien plus ample, dont on ferait l’erreur de croire qu’elles seraient
autre chose qu’un gimmick de légèreté
au milieu d’un ensemble de rencontres et de hors-pistes aux tonalités parfois
bien plus graves. Davantage que ces instantanés loufoques, souvent brillants,
éphémères et donc parfois anecdotiques, ce sont ses balbutiements et ses
apartés qui génèrent la plus belle matière de How To with John Wilson. À l’image des hésitations de sa voix-off,
John s’attarde sur un personnage, un micro-sujet qui, sans se sentir à chaque
fois obligé de se rattacher au train sémantique et philosophique qu’il est en
train de constituer, vient rendre compte d’un aléa obsédant du réel qui,
parfois en quelques secondes seulement, viendra raconter sa propre histoire, sa
propre aventure, ses propres obsessions. Ce sont des portes ouvertes vers d’autres
épisodes, d’autres chemins non-empruntés ou simplement coupés au montage, qui
donnent à ses sujets conclusifs une valeur encore plus inestimable que
cette recherche dans la jungle de la réalité s’est faite non sans s’arrêter sur
une galerie de figurants plus passionnants les uns que les autres, d’un banal
mécanicien expert en risotto à un livreur d’orgues mégalo.
Restent alors ces quelques
visages matrices, avec comme point commun cette mélancolie délicate, parfois
surannée, et même souvent bouleversante, d’un groupe de fans inconditionnels d’Avatar en quête d’un monde meilleur, à
un jeune accro à la Monster égaré en plein spring
break alors qu’il vit le deuil d’un pote. Cette tendresse pour le misfit, l’inadéquat, qui vient dresser
le portrait d’obsessions farfelues, de vies en marge, de destins solitaires, c’est
bien là le plus grand accomplissement de ces trois saisons, de ces neuf heures
de poésies modernes dont on ressort inspiré, transformé, ému, hilare. Le cours
incessant du monde comme la toile de fond d’une série de portraits trompeurs, miroirs
secrets dévoilant méticuleusement non seulement les propres questionnements de
son auteur, mais aussi ceux de ses spectateurs, de vous, de nous, de moi, de
lui. Ce faisant, on pourrait commenter pendant des lignes durant ces quelques
vers d’images, les lier entre eux, les faire répondre de nos propres parcours –
mais ne serait-ce pas un peu dérisoire quand, au fond, la plus grande analyse
jamais écrite sur How To with John Wilson
est celle qu’il se fait de lui-même, en direct, derrière sa caméra, avec ses
leçons de vies innocentes et ce don d’observation unique, celles des grandes œuvres
et des grands documentaires. Thanks for reading.
Laissez-le marcher sur cette musique, comme dans https://dpstream.onl les films...
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