RÉALISÉ PAR LYNNE RAMSAY
AVEC JOAQUIN PHOENIX, JUDITH ROBERTS, EKATERINA SAMSONOV
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Six
ans après le monumental We Need to Talk
About Kevin, Lynne Ramsay fait (enfin) son retour sur grand écran : il faut
dire que la réalisatrice écossaise s’est toujours fait rare (quatre films
seulement en vingt ans) et que son dernier volet avait déjà atteint un niveau
de sophistication d’architecture du récit difficilement égalable. Il y avait
donc de quoi attendre ce retour au thriller de pied ferme – après sa
déconstruction du mythe de la mère américaine, cette fois-ci c’est la figure du
père américain qui passe à la moulinette de son cinéma torturé, tortueux et
torturant.
Le
talent d’écriture de Ramsay a cette particularité qu’il faut attendre le
deuxième ou troisième acte de ses films pour que celui-ci se révèle vraiment
tout à fait : cet art tout particulier du flashback, de l’abstraction
visuelle des démons intimes de ses personnages, ou encore du passage du temps,
tend à complexifier des récits qui ne le sont pas vraiment. L’histoire de A Beautiful Day est apriori simple, mais
son traitement relève d’une véritable cathédrale narrative tant Ramsay semble à
nouveau vouloir à tout prix dévoiler ses thématiques en filigrane, surprendre
le spectateur de par ses intrications inattendues.
Décrit
comme un vengeance movie à la sauce Old Boy ou comme un film néo noir
crépusculaire à la Taxi Driver, A Beautiful Day n’est pourtant ni l’un
ni l’autre : œuvre sur le traumatisme de la guerre comme de l’enfance,
récit quasi-freudien décryptant et mettant en parallèle tout autant les
relations homme-père qu’homme-patrie, le film de Ramsay semble autant évoquer
conflit intime et dépression que l’abandon par la société des cicatrices de ses
propres crimes.
Là
où We Need to Talk About Kevin
fascinait, A Beautiful Day laisse
cependant plus indifférent : si on applaudit cette approche ni trop
pudique, ni trop sanglante de la violence, difficile de ne pas voir de l’excès
de style dans l’accumulation d’éléments de récit plus ou moins métaphoriques
qui alourdissent la fluidité du film.
Si A Beautiful Day n’est pas la meilleure
réalisation de sa cinéaste, celui-ci nous confirme néanmoins tout le bien que l’on
pouvait penser de celle-ci : montage raffiné, direction d’acteur toujours
impeccable, narration à tâtons qui sait parfaitement doser ses mystères et ses
révélations, mise en scène d’une louable sobriété. A défaut d’un grand film, on
aura eu la version T-800 barbu dysfonctionnel de Un jour dans la vie de Billy Lynn. Brutalement malin.
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