CREEPY (2017)
RÉALISÉ PAR KIYOSHI KUROSAWA
AVEC HIDETOSHI NISHIJIMA, TERUYUKI KAGAWA, YUKO TAKEUCHI
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Après
un détour en France avec le fantomatique Le
Secret de la chambre noire, réalisé après mais sorti avant ce Creepy dans les salles françaises, nous
retrouvons donc Kiyoshi Kurosawa rapatrié dans son Japon natal. Une nouvelle
réalisation qui semblait reprendre, sur le papier, des éléments de ses films
les plus célèbres, comme un retour aux sources : Teruyuki Kagawa, déjà
tête d’affiche dans Serpent’s Path et
Tokyo Sonata, mais aussi les serial-killers
de Cure et le flic traumatisé de Charisma. Metteur en scène de l’obsession
par définition, Kurosawa ne déterrerait-il pas enfin ses vieux démons ?
Il y
a, dans le cinéma de Kiyoshi Kurosawa, une fascination quasi-maladive pour le
vampirisme d’un urbanisme chirurgical : ces bâtiments de la
reconstruction, ces rues trop propres et ces voisinages froids qui s’ignorent ;
ces éléments du décor deviennent les héros d’un récit autrement assez classique.
Le malaise naît dans un premier temps des codes sociaux de cette société
technocratique, où les rapports humains n’existent que dans le protocole :
la crainte vient de la rupture, de l’étrangeté. Autant dans sa direction d’acteurs,
que dans l’écriture, le cadrage et le montage, le film de Kurosawa joue de ces
dissidences : l’angle d’une maison par rapport à une autre, une grille
fermée ou une poignée de porte sont les vrais monstres de ce polar d’épouvante
aussi maîtrisé que terrifiant.
On
perd alors tout contrôle quand les briques partent en fumée : Creepy est autant un film d’angoisse qu’un
conte sociologique, cathédrale de mise en scène qui décompose et recompose (avec
une aisance proche du tour de force) les codes et les idéologies habituelles du
cinéma de genre. Kurosawa, en vidéaste devenu cinéaste, fait preuve d’un rare sang-froid
créatif et ne s’interdit pas de lorgner près du V-Cinema de série B, comme à
son habitude, tant en terme de détours scénaristiques que d’ingéniosité de
forme : comme dans L’Exorciste, The Thing ou le plus récent The Strangers, chez Kurosawa le Mal n’a
pas de visage – ou en tout cas pas un visage fixe. Il peut surgir de toute
part, de n’importe quel recoin de ce cadre à la profondeur de champ d’une
netteté si large qu’elle en devient effrayante. Dans Creepy, on voit peu car on ne sait pas où chercher, tout en
craignant de tout voir car on a peur de trouver.
Kiyoshi
Kurosawa est de retour à son meilleur niveau avec un thriller angoissant à la
dimension politique passionnante : une relecture moderne de Dracula d’une maîtrise formelle incroyable,
qui parvient à faire, sur la base d’une intrigue peu originale, un film de
genre pervers et cruel, profondément amer et désenchanté, qui s’interroge et
nous interroge sur les démons de la société nippone. La voilà, la grande obsession
de Kurosawa.
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