C’est
un rituel cyclique : chaque décennie a le droit à ses réinterprétations
filmiques des figures désormais quasi-légendaires du folklore traditionnel et
littéraire britannique – Sherlock Holmes, Robin des Bois, Frankenstein,
Dracula, Robinson Crusoé ou encore, bien entendu, le Roi Arthur. On se souvient
du monumental Excalibur de John
Boorman, ou plus récemment du ça-c’est-passé-comme-ça-si-c’était-vraiment-arrivé
Le Roi Arthur d’Antoine Fuqua. Après
l’échec d’un projet avec Kit Harrington en Arthur et Joel Kinnaman en Lancelot,
c’est finalement au trublion Guy Ritchie que Warner Bros a confié la lourde
tâche de tourner la première itération de ce qui était annoncé comme une saga
en six volets. Voilà donc Le Roi Arthur :
La Légende d’Excalibur, la pénultième tentative d’Hollywood de rentabiliser
un projet sur la mythologie arthurienne.
Ce
seul et unique objectif est en tout cas raté : sorti il y a quelques jours
outre-Atlantique, le film de Ritchie est un monstrueux flop. De cette saga à
rallonge on aura donc que la première partie, et autant dire qu’il s’en passe
des choses dans celle-ci. On retrouve en effet dans Le Roi Arthur tout ce qui fait le sel du Ritchie hollywoodien
auquel on confie des budgets à neufs chiffres : du Bruckheimer sous
acides, du Michael Bay façon Tarantino avec des anachronismes en veux-tu en
voilà, du mauvais goût à ne plus savoir qu’en faire, des montages clipesques
épileptiques comme jamais qui résument en deux minutes ce qui aurait pu faire l’objet
d’un film entier, du numérique à en vomir, des éléphants d’un kilomètre de
haut, des bastons de jeux-vidéos, le tout sur fond de remix musicaux zimmeriens
de thèmes celtiques.
Et
ça marche. Le Roi Arthur façon
Ritchie est d’une stupidité sans nom, passant d’un premier degré proche de l’insulte
à une ironie ponctuelle salvatrice. Tout est moche, hideux, le montage
donnerait mal à la tête au plus caféiné des spectateurs, et le scénario n’a de
sens que celui menant à son inexorable conclusion ; mais entre la
formation de cette Table Ronde plus cosmopolite qu’un congrès de l’ONU, des
sorcières-poulpes pas bien sympas et un David Beckham en stormtrooper médiéviste,
on prend sincèrement plaisir à voir tout ce beau monde s'agiter dans le vide
sans harnais de sécurité. Ritchie est-il un bon metteur en scène ? Cette
question qui semble gangrener les débats cinéphiles depuis Snatch ne trouvera pas de réponse en 2017, car il semble impossible
de juger un tel chaos. Le Roi Arthur
regorge d’idées plus sottes ou plus inventives les unes que les autres. Comment
retenir quelque chose de tout cela ? En un sens, ce nouveau Ritchie est un
exploit : il n'est pas tâche aisée de parvenir à surprendre autant à
partir d’un scénario aussi classique et inintéressant. Même quand on pense que
le film a atteint un paroxysme, il sort de nulle part des serpents taille TGV en
tant que deus ex machina aussi
absurdes que croustillants.
Il
ne faut pas se lancer dans Le Roi Arthur
avec l’idée inavouée d’aller voir un nanar. De la question de savoir si oui ou
non le film est justement un nanar, on ne répondra pas, parce que cette notion
même de nanar induit qu’il y aurait du bon goût dans le mauvais goût. Mais
pourquoi ne pas parler directement de bon goût ? Le Roi Arthur est un délire de deux heures qui se trouvera bien
plus de détracteurs que d’adorateurs, et on comprend pourquoi. D’un point de
vue très cartésien, il n’y aurait pas grand-chose à en sauver en dehors de l’excellente
bande-originale et d’un Jude Law plutôt convaincant, mais il ne faut de toute
façon pas être totalement rationnel pour apprécier Le Roi Arthur crû 2017 : lui trouver des qualités, c’est se
délecter de cette énergie hystérique, de ces détours scénaristiques et visuels
n’ayant pas peur (à tort ou à raison) du ridicule, de ce modernisme déjà
has-been de chaque effet. Le Roi Arthur,
c’est le déchet d’Hollywood élevé au rang d’art.
Il
suffit de regarder l’actualité cinématographique : on pourra dire d’un Ghost in the Shell qu’il est
visuellement plus intéressant, on pourra dire d’un Les Gardiens de la Galaxie 2 qu’au moins, lui, a un scénario précis
et sait faire une scène d’action lisible, on pourra dire d’un Alien : Convenant qu’il essaie,
lui, de se donner une cohérence. Mais aucun de ces trois films n’a le charme
brutal et presque abrutissant de ce Roi
Arthur, qui tente jusqu’à ne plus savoir quand se poser, qui ne se fatigue
jamais jusqu’à ne plus savoir comment se terminer. La comparaison pourra
déranger, mais il y a un peu de Mad Max :
Fury Road dans ce Seigneur des
Anneaux façon Snatch. Bien sûr,
Ritchie n’est pas le visionnaire qu’est George Miller, mais les deux auront
réussi, à leur manière, à dynamiter les codes d’Hollywood, et recoller tous ces
morceaux en un film de cinéma. L’un est cependant plus bordélique que l’autre,
mais ne boudons pas notre plaisir : quitte à se farcir de la merde, autant
mettre des pétards dedans.
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