Malgré
ses hauts et ses bas, il semble y avoir une constante dans la saga Alien : celle de se réinventer sans
vraiment se transcender d’un film à l’autre. On se souvient des sommets respectifs atteints par les deux premiers volets de Ridley Scott et James Cameron, à leur
époque, dans deux registres complètement différents : le film d’épouvante
atmosphérique et le film d’action survival.
Il y a déjà cinq ans, Prometheus se
donnait pour ambition de redistribuer à nouveau les cartes de la mythologie Alien. Quelque part entre l’angoisse et
l’action de ses glorieux ancêtres, le film de Ridley Scott se chargeait surtout
d’une nouvelle thématique centrale : celle des origines et de la création,
auxquelles son titre faisait si explicitement référence. Une thématique qui semble
en tout cas être devenue le nouveau fil rouge de la saga.
Les
années ont passé, l’accueil brutal de Prometheus
s’est estompé, et Ridley Scott aura finalement réussi un retour à la
science-fiction de ses débuts avec le très sympathique Seul sur Mars. Alors que l’on a un temps parlé d’un Alien 5 réalisé par le sud-africain
Neill Blomkamp pour faire suite à l’arc Ellen Ripley, c’est finalement à Prometheus que fait suite Alien : Covenant. Avec, au passage,
une révélation de circonstance : le vrai personnage principal de Prometheus n’était pas celui de Noomi
Rapace, mais l’androïde interprété par l’impressionnant Michael Fassbender, de
retour dans cette suite.
Le
prologue d’Alien : Covenant se
passe sur Terre. On y évoque la création, l’Homme, le divin. Si proche dans son
ton du film précédent, cette scène introductive introduit brutalement la
réflexion profonde de Covenant :
qu’est-ce que c’est, finalement, être un démiurge, et l’être humain a-t-il les
épaules pour y prétendre ? Ces questions intéressent au fond davantage
Scott et ses scénaristes que la mythologie Alien,
qu’ils s’amusent à métamorphoser sans remords (certains diront qu’ils la
trahissent).
La
première partie du film nous ramène en terrain connu : un signal de
détresse, une planète lointaine, un vaisseau à l’abandon. On connait la chanson,
et il faut dire qu’elle est plutôt bien orchestrée. C’est dans sa seconde heure
que Covenant s’en va explorer de
nouvelles contrées pour la saga, en allant presque lorgner du côté du
fantastique gothique-baroque et de Frankenstein,
s’adonnant à l’écriture d’une certaine forme d’effroi existentiel et métaphysique,
plus qu’à l’épouvante à l’ancienne qui avait jadis fait le succès de la saga.
Dans ses ambitions, on serait presque plus proche d’un Blade Runner ou d’un 2001 :
L’Odyssée de l’espace façon Hammer que d’un The
Thing ou d'un Le Huitième Passager.
Cela
chagrinera les fans de la première heure, mais on peut pardonner ce choix à
Ridley Scott qui, au-delà des défauts inhérents à ce fort poussif Covenant, fait prendre une direction
assez excitante à son œuvre. On nous bombarde d’ellipses et de raccourcis à
peine crédibles, de décisions incohérentes et d’une direction artistique qui
alterne le sublime (la découverte de la planète) et le kitsch (dans la deuxième
partie), mais dès que Covenant se penche sur ses questionnements plus
profonds, il le fait avec un tel automatisme excentrique (à l’image du personnage
de David) que cela en devient jubilatoire. Covenant
n’a pas peur du ridicule et des méchants de cartoons, et c’est bien là sa plus
grande qualité.
Alors
que Ridley Scott, tout excité par ce quasi-reboot d’Alien, nous annonce des suites et des prequels à foison, on ne peut que s’interroger sur deux points : le cinéaste a-t-il encore le talent
nécessaire pour réaliser ces suites, ou devrait-il déléguer comme il l’a fait
avec Blade Runner ? Mais
surtout, sera-t-il encore possible d’apporter du neuf pendant encore longtemps
sans tomber définitivement dans le lourdingue ou la trahison total de l’esprit Alien ? Covenant n’est en soi pas un mauvais film, mais les rouages, qu'ils soient anciens ou nouveaux, semblent fatigués. L’horreur n’effraie pas, les personnages n’intéressent
pas (à l’exception de celui de Fassbender), la mise en scène ne fait que
réutiliser une recette déjà bien connue. Reste que tout cela ne prouve qu’une
seule chose : quand on en vient à parler davantage de la saga que du film
en lui-même, c’est qu’il y a des murs à changer. Covenant est anecdotique, souvent médiocre et rarement splendide – mais il est avant tout une promesse et une crainte pour l’avenir.
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