La sélection 2017 de Cannes a été annoncée, et avec elle son lot de surprises, déceptions, et réjouissances. Si la liste de l'an dernier, en apparence bien molle, avait finalement été l'une des meilleures depuis vingt ans, ce crû 2017 semble bien flou avec de nombreux cinéastes imprévisibles en compétition, ainsi que de nombreuses évolutions historiques à marquer d'une pierre blanche (séries télé, productions Netflix, films en réalité virtuelle...). Plutôt que de commenter l'entièreté de la sélection, on se concentrera ici sur la sélection officielle en compétition. Pourtant, ailleurs, quelques petites remarques que l'on peut se permettre de faire ici : l'enthousiasme d'un nouveau Desplechin (hors compétition), de deux Hong Sang-soo (un en compétition, un en Séances spéciales), un Cantet, un K. Kurosawa, la surprise du dernier Miike qui a l'air bien kitsch, mais aussi de quoi se délecter pour les amateurs de documentaires avec Lanzmann, Depardon et Varda. Petit panorama donc des films concourant pour la Palme d'Or 2017. Comme d'habitude, liste sujette à modification si des ajouts venaient à se faire d'ici à mi-mai.
Oasis
au milieu du désert depuis les années 90 au milieu de la scène
cinématographique allemande, Fatih Akin était effectivement l’un des seuls réalisateurs
d’outre-rhin à construire une filmographie dense et cohérente, les rares grands
films étant venus d’Allemagne depuis vingt ans étant très généralement des one shots de cinéastes étant ensuite
retombés dans l’anonymat (Wolfgang Becker avec Goodbye Lenin!, Florian Henckel von Donnersmarck avec La Vie des autres, Olivier Hirschbiegel
avec La Chute). Depuis le plaisant Soul Kitchen, difficile pourtant pour
Akin de retrouver sa gloire passée, enchaînant des sorties discrètes et des
films médiocres. Dans In the Fade, il
met en scène la splendide Diane Kruger – mais est-ce suffisant pour nous
redonner espoir ?
~~ Attente : ♥
Fils spirituel de Woody Allen et alternative solide à Wes
Anderson et Judd Apatow, Noah Baumbach sillonne depuis maintenant vingt ans le
cinéma indépendant américain. Si Les
Berkman se séparent avaient révélé un cinéaste tendre, légèrement trublion,
aux obsessions marquées, c’est surtout les excellents Greenberg et Frances Ha
qui avaient fait de Baumbach l’un des piliers de l’indé US. Mais ses deux
dernières réalisations (le prévisible mais sympathique While We’re Young et le maladroit Mistress America) en avaient déçu plus d’un, The Meyerowitz Stories pourrait être le film du grand retour :
Hoffman, Stiller, Thompson et même un surprenant Adam Sandler au casting, le
tout pour explorer à nouveau le portrait de famille à la Tenenbaum ou à la
Berkman. Événement historique également : avec Okja de Bong Joon-ho, The
Meyerowitz Stories est le premier
film produit par une plateforme de streaming (ici Netflix) sélectionné en
compétition à Cannes.
~~ Attente : ♥
Un nouveau film de Bong Joon-ho est toujours un évènement.
Le réalisateur de Memories of Murder
est non seulement le meilleur metteur en scène en activité du prolifique et
passionnant Hallyuwood, il est aussi l’un des réalisateurs les plus talentueux
des quinze dernières années tous pays confondus. Quatre ans après le magistral Snowpiercer, le revoilà avec une
nouvelle coproduction internationale réunissant à nouveau un casting des quatre
coins du monde : Okja, qui sera
diffusé par Netflix en Occident, semble être une réponse à The Host. Un peu comme un certain Spielberg avec E.T. et La Guerre des Mondes, Bong redistribue les cartes d’un genre qu’il
avait déjà exploré pour livrer un nouveau long-métrage qu’on espère aussi
inventif que ses précédents.
~~ Attente : ♥♥♥
Très
remarqué pour ses deux premières réalisations très espacées dans le temps (Les Revenants en 2004 et Eastern Boys en 2013), Robin Campillo (monteur
attitré de Laurent Cantet et scénariste d’un certain nombre de ses films) s’intéresse
cette fois aux premières années d’Act Up-Paris, association de lutte contre le
SIDA très active dans les années 90. Figure peu exposée du cinéma d’auteur
hexagonal, son 120 battements par minute
pourrait néanmoins créer la surprise – Eastern
Boys avait déjà, il y a quatre ans, reçu les éloges de la critique.
~~ Attente : ♥♥
Si
les derniers films de Sofia Coppola semblent bien loin des réussites de Lost in Translation, Virgin Suicides ou encore Marie-Antoinette, c’est un toujours un
plaisir de retrouver la nouvelle réalisation de l’une des « filles de » les plus follement
originales des vingt dernières années. Si on omet un instant le casting enthousiasmant
(Farrell, Kidman, Dunst, Elle Fanning), les premières images de Les Proies promettent de complètement
dérider le genre dans lequel il s’inscrit, qui rappelle étrangement Mademoiselle de Park Chan-wook, mais qui
pourrait également réussir là où Crimson
Peak de Del Toro avait échoué : redonner vie à une esthétique gothique
léchée, tamisée, presque hors du temps, entre les productions Hammer et les
meilleurs Bergman.
~~ Attente : ♥♥
Discrètement
mais surement, Jacques Doillon serpente la scène du cinéma français dans l’ombre,
revenant de temps à autres dans la lumière l’espace d’une réalisation. En
compétition cannoise, sa dernière sélection remonte à 1984. Depuis, quelques
présences en festivals divers et quelques renaissances éparses (Ponette, Le Jeune Werther, Mes séances
de lutte) auront rythmé son œuvre, mais ce Rodin, où il collabore avec un Vincent Lindon au sommet de sa
carrière pour un biopic du célèbre sculpteur. Même s’il reste tôt pour se
prononcer (Doillon n’est pas fait pour tout le monde), Rodin est un sérieux prétendant au prix d’interprétation masculine.
~~ Attente : ♥♥
Après
l’abandon du projet Flashmob (dont le
titre et le synopsis en avait pourtant surpris plus d’un), Haneke est de retour
et c’est un événement. Ses deux dernières sélections (Le Ruban Blanc en 2009 et Amour
en 2012) ont chacune abouti à une Palme d’or. Le réalisateur autrichien, lui,
est l’un des plus talentueux de sa génération. Ce nouveau film réunit Huppert
(décidemment partout), Kassovitz, Trintignant et Toby Jones et est d’ores et
déjà l’un des plus sérieux prétendants à la récompense suprême. Impatience pour
ce qui est décrit comme un « instantané » d’une famille bourgeoise :
avec Huppert au casting, on pense évidemment à Elle, mais Haneke ne ressemble à aucun autre.
~~ Attente : ♥♥♥
Absent
des écrans pendant presque dix ans avant le monumental Carol (sorti l’an dernier), Todd Haynes est cette fois bien relancé.
Le réalisateur de I’m Not There et Loin du paradis, pilier du cinéma
américain contemporain, sort cette année Wonderstruck,
drame sur la surdité prenant place pendant deux époques. Si l’on n’en sait pour
l’instant très peu, nul doute que l’on peut en attendre beaucoup : metteur
en scène d’exception, Haynes est indéniablement une valeur sûre.
~~ Attente : ♥♥♥
L’après-The Artist a été assez compliqué pour
Hazanavicius : les échecs critiques successifs de Les Infidèles (dont son segment était pourtant une petite
merveille) et de The Search ont réussi
à le faire tomber du trône sur lequel il s’était installé après son Oscar. Le Redoutable, sur le papier, est en
tout cas un projet tout aussi farfelu que pouvaient l’être OSS 117, La Classe Américaine
ou même The Artist : un biopic
du cinéaste Jean-Luc Godard et de son fantasme sur la jeune Anne Wiazemsky.
Avec, en tête d’affiche, deux des stars du cinéma français faisant le moins l’unanimité
auprès de la communauté cinéphile (Louis Garrel et Stacy Martin). Juste assez
pour attiser notre curiosité et laisser penser qu’Hazanavicius en a encore sous
la pédale.
~~ Attente : ♥♥
Combien
de temps faut-il à Hong Sang-soo pour penser, écrire, tourner et monter un film ?
Sur la Croisette, l’an dernier, il en tournait d’ailleurs un avec Isabelle
Huppert le temps du festival (La Caméra de Claire, présenté cette année aussi sur le Festival lors des Séances spéciales). En attendant également On the Beach at Night Alone, présenté à
la Berlinale il y a quelques semaines, voici The Day After, qui sera donc l’un des trois films du plus français
des réalisateurs sud-coréen sortant en 2017. Après plusieurs très bonnes
réalisations successives (les excellents Yourself
and Yours et Un jour avec, un jour
sans, les discret mais puissants Hill
of Freedom et Haewon et les hommes),
on part donc très confiant pour un long-métrage qui citera, comme à l’accoutumé,
Rohmer et Ozu sans se le cacher. Nul doute que la présence de Kim Min-hee,
révélation du jouissif Mademoiselle de
Park Chan-wook, qui collabore pour quatrième fois en deux ans avec Hong, a
aussi de quoi nous donner de l’espoir.
~~ Attente : ♥♥♥
Après
un soporifique Still the Water aux
sonorités très truffautiennes, on avait retrouvé Naomi Kawase il y a un an tout
juste avec Les Délices de Tokyo,
sorte de feel-good movie à la sensibilité toute nippone qui s’était instantanément
classé comme l’un des meilleurs films de sa réalisatrice, même si très
différent de ce à quoi elle nous avait habitué. Vers la lumière, sa nouvelle réalisation, sera une romance où on
retrouvera de nouveau le très bon Masatoshi Nagase. Seul représentant japonais
de cette sélection très occidentale, on peut s’attendre au pire comme au
meilleur de la part d’une metteuse en scène dont la filmographie a toujours
été, qualitativement, une succession de Monts Fuji.
~~ Attente : ♥♥
Même
si les plus fidèles reconnaîtront Lanthimos pour le brûlant Canines (sorte de sous-Haneke très
ennuyant), c’est pourtant le brillant The
Lobster qui l’avait révélé auprès du grand public, en 2015. Ici encore, le
thriller rencontre le fantastique et l’allégorie, et les attentes sont grandes.
Surtout que Colin Farrell, déjà star du précédent, est ici rejoint par Nicole
Kidman : avec ce titre à rallonge et un nom grandissant d’un certain
cinéma anglophone marginal dont on manquait tant, il ne fait nul doute qu’on
sera dans la salle à sa sortie.
~~ Attente : ♥♥
Gros
pavé de cette édition 2017 (2h40, rien de moins), Une femme douce est le nouveau film de l’ukrainien Sergeï Loznitsa,
notamment remarqué pour Dans la brume
et My Joy qui avaient tous les deux
été sélectionnés en compétition officielle sur la Croisette. Trois
longs-métrages, et trois quêtes de la Palme pour le cinéaste d’Europe de l’Est.
Peu d’infos sur ce nouveau film pour le moment, et peu de chances apriori de
figurer au palmarès, mais une surprise n’est pas à écarter.
~~ Attente : ♥
Même
si ce n’était pas son premier film, on avait surtout découvert Kornél Mundruczó en 2014
avec le survendu mais non moins réussi White
God, allégorie fantastique entre Romero et Orwell qui témoignait déjà d’une
maîtrise très travaillée du cinéma de genre. La Lune de Jupiter, son nouveau film, semble continuer dans cette
voix, évoquant des sujets sociétaux touchant la Hongrie et l’Europe (l’immigration)
par le biais du fantastique. Dans un pays où le populisme a triomphé, cela
semble être un beau symbole.
~~ Attente :
♥♥
On découvrait le suédois Ruben Östlund il y a un peu plus de deux ans avec le puissant Snow Therapy. Le voilà de retour avec un quatrième film, le premier en langue anglaise, et deux noms de poids au casting : Dominic West et Elisabeth Moss, deux monstres sacrés du petit écran (The Wire, The Affair et The Hour pour l'un, Mad Men, Top of the Lake et The Handmaid's Tale pour l'autre) pour un projet intriguant et obscur, ajout tardif à la compétition dont on ne sait que bien peu pour le moment.
~~ Attente : ♥♥
Aller
voir un nouveau François Ozon, c’est comme jouer à pile ou face. Sorti en 2016, Frantz
était sans doute possible son meilleur film depuis Huit Femmes, et nous rassurait dans les qualités du réalisateur
français après un ou deux films moins réjouissants (le facile Jeune et Jolie et l’ennuyant Une nouvelle amie). Ce L’Amant double, duquel on sait très peu
à part son casting (Renier, Vacth, Bisset), un vague résumé et quelques images putassières, est donc à nouveau une inconnue totale : difficile de se
prononcer dessus tant qu’on n’aura pas de plus amples informations.
~~ Attente : ♥
Lynne
Ramsay est une cinéaste rare. Il s’était écoulé huit ans entre Le Voyage de Morvern Callar et We Need to Talk About Kevin, son dernier
film, sorti il y a désormais six ans. En tout cas, ce dernier demeure toujours après
autant de temps l’un des meilleurs films de la décennie et l’un des plus gros
tours de force que la scène indépendante américaine ait jamais livré – ironie du
sort, c’était une coproduction britannique. On place donc de gros espoirs dans
cette nouvelle réalisation portée par Joaquin Phoenix, film de vengeance aux
accents noirs si l’on en croit son sombre pitch où il est question d’anciens
marines et de réseaux de prostitution pédophile.
~~ Attente : ♥♥♥
La
sortie l’an dernier de Mad Love in New
York a beau avoir été relativement discrète, la réputation des frères
Safdie (rejetons du fameux Mumblecore) les aura précédé – ou alors, Good
Time serait donc une grande réussite. Film de braquage réinventé avec, dans
le rôle-titre, l’ami Robert Pattinson (qui sait décidemment très bien choisir
ses projets depuis l’aventure Twilight),
on attend donc ce troisième long-métrage de fiction avec une curiosité non
dissimulée. Une inconnue, certes, mais la possibilité d’une bonne surprise.
~~ Attente : ♥♥
En seulement quatre films, le russe Andreï Zviaguintsev, ex-disciple
de Tarkovski, aura su titiller le maître. Contournant la censure du régime de
Poutine de par la qualité de ses réalisations (on sait le chef d’état russe
très cinéphile), il est à l’origine de Le
Retour et de Leviathan, deux
monuments modernes venus du froid. Si on en sait encore peu à propos de Loveless, on ne peut que prédire qu’il
sera l’un des gros morceaux de ce cru cannois 2017 – et même de l’année cinéma.
~~ Attente : ♥♥♥
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