Qu’est-ce
qui ne va pas dans Le Bon Gros Géant ?
Il faut dire que le projet avait de quoi faire saliver : Spielberg, Roald
Dahl, Mark Rylance ou encore Melissa Mathison (dont ce fut le dernier scénario
avant sa mort en novembre dernier), les noms étaient prometteurs, voir
enchanteurs. Le BGG c’est le retour
de Spielberg, vingt-cinq ans après Hook,
au film familial – et même si l’équipe ne semble pas avoir changé, Spielberg,
lui, n’est plus le même.
Spielberg
n’est pas devenu un mauvais réalisateur depuis E.T., ce serait même plutôt l’inverse (mais c’est un autre débat) –
c’est son cinéma qui a choisi une autre direction, tout aussi virtuose, mais
moins populaire et plus subtile. Les pères ont remplacé les fils, les
cauchemars ont remplacé les rêves, les extra-terrestres sont devenus hostiles,
et Le BGG, bien qu’un retour aux
sources, est aussi une trahison de ce nouvel état d’esprit. D’autant plus qu’à
la production, on retrouve Disney, chose impensable pendant l’âge d’or d’Amblin.
Autre
point problématique, l’adaptabilité de Roald Dahl. Est-il vraiment possible de
tirer un bon film de ses livres, si foutraques et singuliers, que seuls les
imaginaires de Burton et Wes Anderson semblent avoir réussi à épouser ?
Spielberg est un auteur moins radical, dont les conceptions narratives sont
bien lointaines des histoires de Dahl. Du coup, si Le BGG est plutôt correct pendant une bonne heure, le spectacle s’écroule
complètement lors d’une seconde partie illisible et hystérique.
Spielberg
oblige, quelques belles idées de mise en scène viennent ponctuer le film – la
scène de l’arbre aux songes est à ce titre merveilleuse – visuellement, c’est
aussi une réussite malgré des effets parfois un peu trop tintinesques. Le
véritable échec du film c’est son incapacité à procurer au spectateur
quelconque émotion, par paresse (il y avait mieux à faire de certaines
séquences), par obédience (ce qui fonctionne dans un livre ne fonctionnera pas
forcément sur grand écran) et peut-être par lissage de la direction créative
(on ne sait pas dans quelle mesure l’araignée Disney a été impliquée dans le
projet, au-delà de son apport économique).
Le BGG est donc une nette déception,
surtout après le très convaincant Pont
des Espions sorti à l’automne dernier. Il rejoint les moins bons Spielberg,
et à défaut d’être aussi ridicule qu’Always,
il tombera dans l’oubli à la manière d’un Amistad.
Il y a si peu à en dire qu’on s’imagine que les raisons de cet échec sont plus
à imputer au désintérêt du cinéaste qu’au malheureux film de trop. Spielberg réalise son Harry Potter avorté avec quinze ans de retard, et on n’en retiendra
pas grand-chose, à part des blagues pipi-caca et une prestation réussie de Dany
Boon dans la version française, qui prouve encore une fois qu’il est bien
meilleur doubleur qu’il n’est acteur. La magie, elle, n’est pas au rendez-vous.
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