Ryan
Murphy est un cas particulier. Autant admiré qu’il est détesté par les aficionados du petit écran, notamment à
cause de la grande irrégularité de ses créations (les débuts inoubliables puis
la descente aux enfers de Nip/Tuck,
la chute libre qualitative de chaque nouvelle saison de American Horror Story après des prémices toujours très prometteurs,
ou encore la transformation de Glee d’un
petit événement inventif en un étron moqué par des millions de téléspectateurs),
il n’a jamais manqué d’imagination mais aura toujours eu du mal à pousser ses
idées jusqu’au bout. Construite sur le même principe que son homologue
horrifique American Horror Story, American Crime Story est une anthologie
dont chaque saison s’intéresse à un fait divers marquant de l’histoire moderne
américaine. Créée par les scénaristes du Ed
Wood de Tim Burton et de Man on the
Moon, le premier acte du nouveau bébé de la chaîne FX se concentrera sur l’affaire
O.J. Simpson, célèbre footballeur de la NFL accusé au milieu des années 90 du
meurtre brutal de son ex-femme et du compagnon de celle-ci. Murphy n’est pas
crédité à l’écriture, mais à la réalisation et à la production, et c’est
peut-être là la première grande réussite de la série.
Murphy
n’est pas un scénariste très subtil, mais il est un metteur en scène très
créatif. American Crime Story se devait
d’être fine et énergique – un procès, ce n’est pas vraiment cinégénique, mais The People v. O.J. Simpson parvient à
rendre passionnantes les ramifications du système judiciaire californien. Il y
a la patte Murphy, mais il y a surtout l’intelligence narrative dont il ne fait
que très rarement preuve : American
Crime Story est un petit chef d’œuvre de scénariste, au propos d’une rare
pertinence, aux dialogues coups-de-poing et au rythme intense. On aura rarement
vu une œuvre audiovisuelle traiter avec autant de recul, d’objectivité et de
courage la question de la race aux
Etats-Unis. Une notion qui a toujours défini l’ensemble des fondements et
bouleversements sociaux de la première puissance mondiale, et qu’il est souvent
difficile de définir sans paraître raciste ou communautariste. American Crime Story commet non
seulement l’exploit d’en livrer une analyse très juste, mais parvient aussi à
donner à ce raisonnement une résonnance actuelle.
De l’incroyable
casting (chaque acteur est un choix parfait et livre une performance de haut
vol) à sa superbe maîtrise technique, American
Crime Story ne faillit presque jamais. On en oublierait quelques épisodes
un peu plus faibles en début de saison – à l’exception du magistral pilote –
mais ils n’avaient rien de catastrophiques. Ces dernières heures viennent en
tout cas parachever une saison de très haute tenue, qui aura su développer des
personnages passionnants et se livrer avec beaucoup d’aplomb dans une
reconstitution crédible et fidèle de la réalité. On pourra disserter sur l’impossibilité
de reproduire la vérité (pour des raisons évidentes), mais American Crime Story ne prétend pas la détenir : au contraire,
elle en présente deux. Celle de la défense, et celle de l’accusation, se
rencontrant en une seule voix – celle de la vérité publique et médiatique,
celle que le regard extérieur se fait des apparences.
C’est
en déconstruisant constamment ces multiples faits, en reformulant ses arguments
que le scénario brille. C’est une joute verbale où la question de la culpabilité
n’est jamais vraiment posée – plus que cela, ce sont les conséquences de la
justice qui agissent comme pivot. De façon très simple, la justice serait-elle juste ? De l’identité raciale à la
valeur pénale de la discrimination, de la force écrasante du symbole à l’hypocrisie
du masque : American Crime Story
interroge les thèmes qui jalonnent le paysage chaotique de la société américaine.
American Crime Story est une guerre sans
armes, dont les soldats sont des avocats manipulateurs et dont l’image publique
et les réalités sociétales prennent le pas sur la recherche d’un coupable. Une œuvre
forte, intelligente, qui laisse à réfléchir et à débattre, qui ne prend pas
parti et livre son récit avec un dévouement remarquable. Il est encore tôt pour
dire si la nouvelle série de FX est un monument télévisuel, mais elle a toutes
les qualités pour devenir un classique. Brillant.
J'ai aussi fait un article sur cette série sur mon blog !!
RépondreSupprimerComme toi j'ai beaucoup apprécié cette première saison !!
J'ai partager du coup un lien de cet article pour que mes lecteurs puissent avoir d'autres avis !!!
Merci pour ta chronique !!!
Bonne journée !!