Mon Top 30 des films de 2019

Mon Top 30 des films de 2019

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Les Misérables

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The Irishman

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The Lighthouse

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vendredi 22 juillet 2016

[5ANS] Le Japon selon Kurosawa


Impossible d’enfermer le grand Akira Kurosawa dans un seul genre – du polar au chanbara, sa carrière sera rythmée par des changements réguliers d’échelle et d’époque. Si on le retient surtout pour ses films de sabre, ce serait faire l’impasse sur une bonne moitié de sa filmographie que de se limiter à ceux-ci. Pour preuve, les prodigieux Entre le ciel et l’enfer et Les salauds dorment en paix, auquel Le Parrain doit beaucoup.

Il existe une grande différence de forme entre les Kurosawa précoces et tardifs – cela se ressent particulièrement dans ses réalisations prenant place dans le Japon féodal – cette différence a une source économique : entre le récit intimiste de Rashomon et les centaines de figurants d’un Ran, il y a plusieurs centaines de million de yens. Dans ce dossier, quatre films. Quatre films aux ambitions différentes, quatre films parmi tant d'autres, quatre films qui sont restés et qu'on ne doit manquer sous aucun prétexte.


Il y a un avant et un après Rashomon, vu des yeux de l'Occident. Présenté à la Mostra de Venise en 1950, le film de Kurosawa montre à l'époque aux européens que le Japon a lui aussi un cinéma. Et pas des moindres. Rashomon est un film sur la réalité, sur notre perception, sur la multiplicité des points de vue. Non content d'être complètement révolutionnaire dans sa narration, dans sa construction, Rashomon aura une influence gigantesque sur le cinéma : Nouvelle Vague, westerns, polars, tous iront piocher chez Kurosawa qui, plus que d'avoir écrit les lettres de noblesse d'un genre et du cinéma nippon de manière générale, a rendu sa narration et son esthétique éternelles. Rashomon inspire, Rashomon marque, Rashomon trouve une résonance tout ce qui suivra. Si on a tendance à l'oublier face à ses glorieux camarades Les Sept Samouraïs et Ran, Rashomon est un grand classique majestueux, d'une grande sobriété, d'une évidente simplicité, et pourtant d'une complexité  sauvage, bien en avance sur son temps. Le tout porté par un Toshiro Mifune complètement possédé. Un polar plus qu'une fresque, mais son cadre historique demeure au centre de son exécution.


Classique du cinéma japonais par excellence, film phare d'Akira Kurosawa, l'influence qu'a eu Les Sept Samouraïs est à peine imaginable : autant sur le genre du chanbara au Japon que sur le western américain - John Sturges en réalisera d'ailleurs un remake quelques années plus tard, Les Sept Mercenaires. Il faut dire que ce qui fut à l'époque de sa sortie le film nippon le plus cher jamais produit a marqué son époque et est rapidement accédé à la postérité. Fresque impressionnante de trois heure trente, le film de Kurosawa n'est pas une seule seconde ennuyant : épique, rythmé, parfois drôle et souvent impressionnant de maîtrise. Vraie révolution de par ses techniques novatrices (la fameuse utilisation de plusieurs caméras qui coûta bonbon à la Toho), tournage monumental de près d'une année, avec son casting au goût de perfection (Toshiro Mifune plus génial que jamais, Takashi Shimura en sensei sagace et charismatique, et des seconds rôles aux faciès mémorables : Minoru Chiaki et Seiji Miyaguchi). Kurosawa filme ses samouraïs avec une intensité démesurée, une ambition terrassante et une maîtrise que lui seul possède. Plus qu'un pilier indispensable du Septième Art, un cri de guerre incroyable non dénué d'un propos social habituel aux films de Kurosawa. Davantage qu'un immanquable, c'est un texte fondateur, une grandiose aventure qui ne lâche jamais le spectateur jusqu'à sa conclusion. Le récit intime au cœur de la saga monumentale. Un chef d'oeuvre inégalable.


Seul film en langue étrangère d'Akira Kurosawa, Dersou Ouzala est un fantastique roman cinématographique sur la nature. Adaptation des mémoires d'un capitaine russe en mission dans la taïga, il est probablement l'un des plus impressionnants films en couleur du maître japonais. Ponctué par certaines scènes mémorables (celle du champ d'herbes), c'est l'histoire gigantesque de l'homme face au monde sauvage, sa propre animalité. Dersou Ouzala, le personnage cette fois, en devient presque un symbole. Un homme primitif et pourtant si singulier, le dernier des siens, l'ultime rempart entre la survie et la mort pour son compagnon qui l'observe. Un ami et un gardien, un chasseur et un tigre de Sibérie, un croyant et un païen, résistant au vent au milieu de l'immensité de son monde à lui. Dersou Ouzala ce n'est pas tant Le Japon selon Kurosawai que La Fresque selon Kurosawa. Deux visages, un monde infini et intemporel. Est-ce que cela est-il réellement une reconstitution ? On joue sur les mots mais peu importe : la magie est là. Et Dersou Ouzala est un film unique.


En s'inspirant du Roi Lear de Shakespeare, Akira Kurosawa trouve le parfait équilibre entre la force symbolique de sa veine théâtrale et l'épique grandiose de ses scènes de combats surhumaines. Ran est son film le plus fou, le plus ambitieusement gigantesque, un film énorme où les décors incroyables supplantent à merveille tous ces hommes anonymes, identifiables qu'à leurs bannerets. Ran impressionne, car il est démesuré, qu'il ne semble avoir aucune limite : Kurosawa, dans un chant du cygne presque ultime (il réalisera encore trois films), offre une fresque dantesque sur le pouvoir et la guerre. Le monde s'embrase, le sang des guerriers coulent, et parallèlement la dramaturgie shakespearienne se met en place sous un déguisement des plus épiques. Peut-être son film le plus gargantuesque.

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