Malgré
ses bas, malgré ses difficultés – dont la plus évidente est celle d’avoir
rattrapé les livres dont elle est adaptée – l’influence de Game of Thrones ne semble pas faiblir, même après cinq années.
Chaque saison, les chocs télévisuels se transforment en événements de pop-culture
dont la récurrence est aussi renversante que leur impact gigantesque. Ce
témoignage d’un entrain populaire sans précédent sur le petit écran n’est
pourtant pas le signe d’irrégularités qualitatives : Game of Thrones est une grande série, et si certains pouvaient
encore douter de cette assertion – surtout après deux saisons moins
convaincantes – cet antépénultième acte vient définitivement récupérer le trône
du plus grand monument de la télévision contemporaine.
Ce qui
caractérise cette saison six c’est que pour la première fois, lecteurs et
spectateurs étaient sur un pied d’égalité. L’inconnu total, les théories de
longue date comme dernier bouclier, et surtout le défi pour scénaristes et
producteurs de proposer, chaque semaine pendant deux mois, un spectacle digne
de jouer les trouble-fête avec l’admirable patience des fans de longue date des
livres de George R.R. Martin. Si on peut se douter que les deux arlésiennes qui
se chargeront de clôturer la saga littéraire divergeront sur de nombreux points
de son homologue diffusé sur HBO, le défi est très largement accompli par David
Benioff et D.B. Weiss.
Cette
année fut une année de clôture. Les arcs se recroisent, les personnages
lorgnent leur chute ou leur résurrection, les plus faibles perdent le jeu des
trônes – et meurent. Dix épisodes posant les dernières briques d’une œuvre magistrale
dont la fatalité sanglante est aussi logique et cohérente que foncièrement tétanisante.
Jouant avec leurs pièces restantes, les scénaristes ont su dynamiser l’écriture
du show sans en perdre sa saveur originelle, sa poésie tragique et sa beauté
pourpre. Les révélations – attendues ou non – se sont enchaînées plus que
jamais à un rythme effréné, et c’est en grande partie grâce à la qualité
incroyable d’une mise en scène qui n’a cessé de se réinventer, illustrant
merveilleusement la profonde complexité des personnages, des enjeux et des lignes
directrices de chaque épisode. Miguel Sapochnik livre à cet égard deux moments
inoubliables de télévision (Battle of the
Bastards et The Winds of Winter) dont
les aboutissements techniques et artistiques semblent poser un nouveau point de
référence pour la cinématographie de la petite lucarne.
Nul
besoin de rappeler les qualités ancestrales de Game of Thrones – comme à son habitude, le casting est exemplaire,
sans aucune fausse note ; les dialogues retrouvent quant à eux leur gloire
passée, teintés (et on en est ravis) d’humour comme il est de tradition. La
construction des épisodes comme de la saison sont eux aussi irréprochables,
brassant des thématiques variées avec une aisance inédite. De la tromperie de
la subjectivité à la crainte de la mort, des victimes du pouvoir au libre
arbitre, en passant par l’ombre des pères, les dilemmes de la vengeance et le
poids étouffant du passé, qui se répète, tel un cycle inarrêtable.
Game of Thrones faire taire les
critiques, et ce avec la manière. Cette sixième saison est non seulement l’une
des meilleures de la série, mais elle offre par la même occasion certaines
scènes qui sont d’ores et déjà ancrées à jamais dans l’inconscient de son
public. Vibrant, brillant, intelligent, passionnant – on commence à manquer de
superlatifs, mais c’est pour mieux applaudir une série qui aura su transcender
son évolution, comprendre ses failles et continuer à surprendre et à émouvoir
alors qu’on pensait qu’elle nous avait tout dit. Un monstre télévisuel, tout
simplement.
Alors pour une fois je vais me permettre de ne pas être vraiment d'accord.
RépondreSupprimerPour commencer, je n'ai pas lu les livres et je vis bien sans, merci. Si j'ai toujours énormement apprécié la mise en scène de Game Of Thrones jusqu'au début de la saison 5, j'ai de gros problèmes depuis le milieu de la saison 5 depuis le "massacre des hydres et du chevalier".
Depuis ce moment, et jusque dans cette saison 6, les épisodes m'avaient l'air de faire du sur place; Alors que chaque personnage, chaque arc progressait irrémédiablement auparavant, depuis une saison et demi, Game of Thrones s'est résumé, à mon avis, à un jeu de "qui meurt pour cet épisode". Je n'ai rien contre une mort bien mise en scène qui fait progresser l'intrigue, mais j'ai l'impression depuis une saison et demi que GOT se contente de cocher son quota de massacres et de personnages à sacrifier, tout en faisant machine arrière sur certains personnages morts, et finalement non en fait.
Pire encore, je me révulse en tant que spectateur, quand je vois des personnages sacrifiés, mais sans que cela apporte autre chose que juste applaudir ou pleurer un jet de sang. On me dira que c'est la guerre, et les morts n'ont pas forcément de sens, mais les précédentes saisons avaient l'art que chaque mort soit pleine de sens justement (soit pour celui qui meurt, soit pour celui qui tue, soit pour celui qui survit). Avec cette saison en particulier, bien des morts ici me semblent du "tout ça pour ça" (et pour rien souvent).
La palme revient à la Maison Stark qui passe son temps depuis 1,5 saisons à prendre des décisions stupides provocant la mort ou le départ de centaines d'autres, sans que l'admiration générale des personnages secondaires ou du public ne faillisse face à un gâchis de vie humaine.
En rapport avec mon précédent commentaire sur Orange is the New Black, je préfère des personnages stéréotypés, mais qui ont des actions rationnels, que des personnages bien écrits, bien joués, qui prennent des décisions stupides. Je n'en peux plus des décisions absurdes des Stark accueillies par une chance et une admiration béate, et des andouilles d'Easteros se disant qu'aller casser la gueule à une princesse ignifugée et ses dragons est une bonne idée.
Bref, je suis admiratif devant un massacre admirablement mis en scène qui marque l'évolution à la fois d'un personnage et de l'histoire générale, mais depuis le milieu de la saison 5, je reste dépité... Jusqu'à cet épisode final de saison 6.
Il ne s'est pas passé grand chose depuis le premier épisode de la S6, mais je suis admiratif comment un seul épisode, arrive à faire mieux que les 15 précédents, foutre une claque visuelle, artistique et narrative (voir poétique) totalement neuve, qui fait remonter GOT à ses grandes heures.
En somme, pour moi, la saison 6 a un peu erré sans raison (sans doute à cause du scénario, car le reste est impeccable), mais ce dernier épisode lance la série vers une dernière saison qui je l'espère, sera à l'image de la dernière de Boardwalk Empire : mesurée, sanglante, mais aussi humaine et constrictive :)
Oui ils ont fait un peu les cons par rapport aux morts, je suis d'accord (pour Bolton et Martell surtout). Pour le reste, j'ai trouvé ça d'une rare solidité. C'est d'une grande cohérence, les intrigues sont bien construites et ils arrivent à répartir l'ensemble équitablement sur toute la saison. C'est une saison qui tente de recentrer les enjeux, et je pense que c'est ça qui n'a pas tellement plu.
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