IL EST DE RETOUR (2016)
RÉALISÉ PAR DAVID WNENDT
AVEC OLIVER MASUCCI, FABIAN BUSCH, CHRISTOPH MARIA HERBST
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Tout
commence comme une farce : Adolf Hitler se réveille en plein Berlin en
2014. Il n’a pas vieilli, il semble avoir traversé le temps depuis son bunker
assiégé en 1945. Tout comme le livre de Timur Vermes dont il est adapté, David
Wnendt aurait pu faire le choix de la comédie pure – un Les Visiteurs version nazie, c’est une idée comme une autre. C’est
en tout cas ce que le film tire de son high
concept pendant son premier acte : un Führer pathétique, errant dans
un monde dont il ne comprend rien, découvrant le destin mouvementé de sa Grande
Allemagne. Cela donne lieu à des situations hilarantes, qui rappellent Borat dans leur construction en miroir
culturel.
Puis
quelque chose advient. Après une petite demi-heure, Il est de retour tourne à la satire. On passe alors des Monty
Python à Voltaire – Wnendt n’abandonne pas son ton loufoque et son humour
tranchant, mais il le saupoudre d’une allégorie politique intelligente,
terrifiante et fascinante. L’autre grande idée de Il est revenu, c’est d’avoir tracé une ligne aussi floue entre
réalité et fiction : la dramaturgie se verra entrecoupée de séquences où l’acteur
principal, interprété par Oliver Masucci, interagit avec de véritables
allemands croisés dans la rue. Une caméra cachée comme moteur à la fois
romanesque – ces scénettes s’inscrivent parfaitement dans la dramaturgie –,
mais aussi idéologique – les réactions étant bien souvent déconcertantes.
Le « il » du titre n’est pas tant Hitler
que la désignation du populisme. Ce que le film tente de démontrer (certains diront
qu’il enfonce des portes ouvertes), c’est que le renouveau nationaliste
européen moderne n’est qu’un ersatz, façonné d’illusions, des mouvances
dictatoriales des années 30. Les protagonistes changent, mais les mots restent
les mêmes : pour Wnendt, Hitler n’est qu’une incarnation comme une autre
du mal et de la haine qui existe en chaque citoyen. Au-delà du clown, il y a
donc un concept radical, à travers une remise en question complète du principe
de démocratie et donc du fantasme de la raison du peuple.
Le
message que construit le film n’est pas des plus évidents, et contrairement à
ce qu’on pourrait en penser au premier abord, il n’est pas consensuel – il est
tout simplement politique, lui aussi, et sujet au débat. Plutôt que de tomber
dans le pamphlet à charge contre l’extrême-droite, Il est revenu trace des pistes, et invite à l’argumentaire –
prenant son temps pour décrypter avec finesse le discours populiste et l’inefficacité
« républicaine ». Selon les
points de vue, ce sera là sa sagesse ou sa faiblesse : critiquer sans
résoudre, terroriser sans réconforter. Sorte d’exutoire ultime des remords
modernes d’Outre-Rhin, la portée est cependant bien plus large, questionnant
finalement l’universalité du discours fasciste, présent en chacun, ne se stimulant
qu’une fois par siècle.
Il
est donc malheureux d’observer Il est de
retour se perdre dans des sous-intrigues soapesques aussi vaines qu’insipides,
mais ce n’est pas une excuse valable pour éviter son visionnage : si l’on
oublie ses personnages secondaires superficiels, le film de Wnendt est d’une
intelligence remarquable. L’écriture est troublante, admirable, aux degrés de
lecture variés, rendant le résultat final aussi singulier qu’ambiguë. Il y
aurait beaucoup à dire, d’autant plus que des films affrontant de manière aussi
frontale des sujets d’actualité aussi brûlants sont rares. En ressort un conte
sociétal hilarant, redoutable, inégal et unique, qui pose la question que trop peu
osent poser : mais qui est donc le véritable monstre ? Parce qu’il
est de retour.
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