Une
décennie après son dernier film, Black
Book, Paul Verhoeven revient. Non pas aux Pays-Bas, non pas aux Etats-Unis,
mais en France avec l’adaptation du subversif Oh… de Philippe Djian. Si Elle
devait se faire au départ outre-Atlantique, c’est finalement dans l’hexagone
que Verhoeven pose ses valises : car oui, Elle ne pouvait pas se faire à New York ou à Los Angeles. Non pas
pour des raisons scénaristiques, mais pour des problématiques morales, car
contrairement à ce que voudrait vous faire penser cette croyance populaire
infondée, on ose des choses en France : produire Elle était un défi bien plus complexe qu’il n’en a l’air, tout
simplement parce que Elle n’est ni
vraiment un film de Verhoeven, ni vraiment un polar angoissant, ni vraiment un
thriller érotique. Elle, pour faire
court, est un film fait pour tout le monde et pour personne en particulier.
Cela
ressemble à un croisement étrange entre I
Spit on Your Grave et Basic Instinct,
le tout réalisé par Claude Chabrol. Verhoeven empreinte énormément, mais il n’imite
jamais. Il ne s’imite d’ailleurs pas lui-même, Elle apparaissant ou comme un détour, ou comme un nouveau chapitre
dans la filmographie du hollandais. Pervers sans être malsain, rugueux sans
être violent, sensuel sans être sulfureux – dit comme cela, on pourrait penser
que Verhoeven se serait assagi à l’occasion de son premier film en langue
française, mais c’est tout l’inverse : de sa carrière, Elle est sans doute l’un des volets les
plus jouissifs. La démarche est sérieuse, mais l’ensemble est immensément drôle
et ironique ; le ton est lourd, mais on se prend à rire assez souvent – à l’image
de cette monumentale scène de repas de noël, déjà un classique.
Ce
serait un scandale que d’ignorer le second acteur de cette réussite :
Isabelle Huppert, resplendissante dans l’un de ses rôles les plus fascinants.
Elle comme le reste du casting participent à l’élaboration de ces personnages
qui constituent le cœur symbolique du film – ils sont le point de départ de
cette douce satire sociétale, qui tourne autant en ridicule la monotonie
bourgeoise, le refoulement et la castration sociale (dans un registre qui
rappelle beaucoup le Sitcom de
François Ozon), le fanatisme chrétien ou encore le masque des bonnes manières.
Un prétexte plus qu’un moteur, mais la hargne incisive avec laquelle Elle détruit le mythe parisien
contemporain est une réjouissance totale.
Photo
de famille dépravée, jeu féroce d’apparences et de surfaces, portrait de femme
labyrinthique : ce retour en force de Verhoeven est un coup de pied dans
la fourmilière cannoise. Brillant, malin, d’une maîtrise rare dans la mise en
scène comme dans la direction d’acteurs irréprochable, une farce qui joue à la
dérision par le malaise et par l’effet choc, mais qui se montre pourtant d’une
étonnante subtilité : c’est un bac à sable pour le réalisateur comme pour
le spectateur, et on en redemande.
Salut, c'est vrai que j'ai vu un film d'un nouveau genre entre thriller et film psychologique à la Chabrol. Le personnage de Michèle, on a envie de le creuser plus ...
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