LA FONTAINE D'ARÉTHUSE (1949)
CYCLE INGMAR BERGMAN
AVEC EVA HENNING, BIRGER MALMSTEN, BIRGIT TENGROTH
Quelques
mois avant de sortir Törst (traduit
tantôt par La Fontaine d’Aréthuse,
tantôt par La Soif), Ingmar Bergman
tournait La Prison, premier scénario
original écrit de sa plume qu’il tournait par lui-même. Echec autant critique
que commercial, le film abordait une thématique particulière : celle de
l’enfer sur terre, et de sa fuite au travers des relations de couple. Il n’y a
qu’un pas à faire pour affirmer que La
Fontaine d’Aréthuse n’est qu’un remake de fond de La Prison, ce qui n’est que partiellement vrai.
En
dehors d’une conclusion légèrement moins pessimiste et définitive, le
cheminement philosophique emprunté par Bergman dans La Fontaine d’Aréthuse n’a rien de nouveau. Il est même assez
amusant d’interchanger des lignes de dialogues avec La Prison et de mettre en avant des similitudes troublantes :
la vision est moins globale, et se rapproche parfois subtilement de
l’autobiographie. On connaît les relations compliquées de Bergman avec les
femmes (il en épousa pas loin d’une demi-douzaine, et c’est sans compter ses
très nombreuses maîtresses), il n’est donc pas surprenant que l’idée de
l’impossibilité de la vie conjugale fasse aussi partie intégrante de sa
réflexion. C’est finalement la principale différence qui sépare La Fontaine d’Aréthuse de La Prison : celle de la désignation
explicite d’une solution par Bergman à l’horreur du monde. L’âme sœur, pour
lui, n’existe pas, mais être accompagné est préférable à la solitude lorsque
l’on affronte les malheurs de la vie.
Plus
digeste car bien moins cynique que certains de ses précédents travaux, Bergman
trouve ici une forme de poésie anthropomorphique. Teinté d’une douce mélancolie
appuyée par les flashbacks, la beauté de La
Fontaine d’Aréthuse n’en est que renforcée par sa formidable esthétique. Le
talent du metteur en scène pour filmer des visages, surtout en plan rapproché,
ce mouvement passionnant du cadre dans ces environnements étriqués, ce jeu
habile du hors-champ lors de certaines scènes… Sans être un monument de mise en
scène, La Fontaine d’Aréthuse est une
mine d’or d’analyse pour quiconque s’amuse à lire entre les pellicules.
Le
parallèle avec La Prison saute aux
yeux, mais en se révélant narrativement moins confus, plus pertinent et surtout
beaucoup plus accompli dans sa démarche difficile, La Fontaine d’Aréthuse est une réussite évidente tant sur plan
plastique que scénaristique. On en regretterait presque des retours en arrière
qui s’enchainent péniblement ; car ni vu ni connu, La Fontaine d’Aréthuse livrait déjà pour l’époque une fournée de personnages
féminins absolument brillants, quel que soit le point de référence temporel. Et
ça, peu de cinéastes peuvent s’en vanter.
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