LA PRISON (1948)
CYCLE INGMAR BERGMAN
AVEC DORIS SVEDLUND, BIRGER MALMSTEN, EVA HENNING
Premier
film de Bergman entièrement scénarisé par lui-même (n’étant donc ni une
adaptation, ni basé sur le script d’un autre scénariste), il ne faut pas
sous-estimer le rôle qu’a tenu La Prison
dans la carrière du réalisateur suédois : prise de risque évidente dans
laquelle le cinéaste fondait peu d’espoirs, de même que ses producteurs, le
tournage fut rapide et peu coûteux. Mais il ouvrit pourtant la porte à une
toute nouvelle ère dans la filmographie de l’artiste.
Plus
que jamais chez Bergman, jusque dans la structure narrative, on se croirait
vraiment au théâtre – l’utilisation d’une voix off omnisciente, la division du
récit en trois actes, cadre cloîtré du décor… Il n’y a bien que la règle des
trois unités qui n’est pas respectée, au détour d’un saut dans le temps en
début de film. Verbeux, même s’il s’essaie à quelques plans silencieux riches
de sens – la scène de la cave est superbement mise en scène – La Prison apparaît bien souvent comme
assommant. La symbolique un peu forcée et complexifiée à outrance – l’idée de
la morale créatrice est d’ailleurs clairement superflue – mais aussi
l’abondance de personnages inondant la marge d’un récit déjà orchestré de façon
médiocre dans sa construction, ne font qu’handicaper la démarche de Bergman.
Là
où les personnages subliment bien souvent l’imagerie bergmanienne, ils semblent
ici distants et mal dessinés. Même si le metteur en scène tente difficilement
de leur donner un quelconque souffle, il n’y a bien que Birgitta qui présente
une évolution et des écorchures un minimum stimulantes. Et ce n’est pas le
casting très inégal qui viendra transcender ces figures étonnement fades.
La
mouvance d’une caméra intelligente dans l’espace et la beauté d’un éclairage
qui sublime littéralement de nombreuses scènes rappellent qu’un monument du nom
d’Ingmar Bergman se tient derrière la caméra. Malheureusement, au-delà de cette
apparence trompeuse, il est difficile d’être hypnotisé par ce naturel
d’opérette et cette analyse quasiment digressive de l’enfer de la vie.
La Prison est une proposition de cinéma
intéressante, d’une brutalité étouffée qui parvient indéniablement à
subtilement toucher le spectateur. Mais le manque de rigueur narrative et le
désintérêt progressif pour ces personnages que l’on ne découvre qu’en surface
sont une barrière certaine à la réussite de ce qui restera classé, avec le
recul, comme un Bergman très mineur.
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