Tom
McCarthy est une figure étonnante du cinéma indépendant américain, se figeant
depuis ses débuts – à partir du touchant The
Station Agent – dans la poursuite d’une sobriété de forme indéfectible,
témoignage d’une éthique de cinéaste qui se refuse à rendre haletant ce qui
est, par définition, anti-spectaculaire. Ce n’est pas vraiment un hasard qu’il
soit d’ailleurs si proche de David Simon – pour lequel il passa devant la
caméra le temps de la dernière saison de The
Wire – et ce Spotlight, qui n’est
pas tant un film sur les dessous d’un scandale que sur les coulisses de la
presse américaine, en est la preuve irréfutable.
Le
crédo de Spotlight comme de ses
personnages, c’est la rigueur. Dans le dispositif quasi-documentaire et
anti-esthétisant qu’il s’impose de la première à la dernière minute de son film,
McCarthy se projette – d’une certaine manière – dans le costume d’un journaliste.
Il n’évoque pas une affaire de pédophilie par le prisme du Boston Globe, non : McCarthy évoque l’histoire de ces investigateurs,
ceux qui mènent l’enquête sur des mois, des années, pour faire éclater la
vérité. D’une certaine façon on est très proche du JFK d’Oliver Stone ou du Les
Hommes du président d’Alan J. Pakula – mais loin de McCarthy l’idée d’adopter
cette atmosphère paranoïaque qui régnaient dans les deux œuvres sus-cités. On
est ainsi davantage dans le document historique et sociologique que dans le
thriller, et c’est ce qui fait toute l’intelligence de Spotlight : exposer sans se précipiter, réfléchir avant d’agir,
construire plutôt que sensibiliser.
Spotlight livre une profession de foi,
mais contrairement à un certain Aaron Sorkin et son The Newsroom, il ne la trahit pas, ne s’exerçant pas à l’excès de
style ou à la leçon de morale. Il montre, il filme, et ne s’éparpille pas. En
témoigne le désintérêt du réalisateur pour la vie privée de ses protagonistes,
évoquée au coin d’un dialogue et dont il laisse toute la complexité à l’interprétation
du spectateur. Aucun de ces personnages n’est pour autant plat, car derrière la
profondeur des regards, les non-dits et les sous-entendus subtilement prononcés,
McCarthy raconte énormément. De la déontologie chancelante, aux remords en
passant par les relations muettes ; finalement, le cinéaste nous parachute
dans un monde possédant ses propres règles. Et s’il ne passe pas trois pages de
scénario à les édicter, il les dessine lentement, au détour d’une scène. Quoi
de mieux pour filmer ce casting en or massif, dont on retiendra la performance
hallucinante de Liev Schreiber, dans le meilleur rôle de sa carrière, mais
aussi un Mark Ruffalo qui ne démérite pas sa nouvelle nomination aux Oscars.
Film
rigoureux sur la rigueur, film-document sur la documentation ; la nouvelle
réalisation de McCarthy est non seulement son meilleur long-métrage, mais aussi une
démonstration carrée d’orfèvrerie, imperturbable, ne répondant pas aux sirènes
de la démagogie et dépeignant avec une précision et une objectivité admirables
un sujet que beaucoup auraient auraient traité avec prosélytisme. Pour faire court, tout le contraire de l’Église.
J'ai du mal à donner mon verdict sur ce film. Bien sûr, le regard sur le journalisme d'investigation est très intéressant mais cette absence totale de stylisation nous enferme dans une certaine lassitude (déjà que le sujet est dur) de là à se demander si un documentaire n'aurait pas été mieux.
RépondreSupprimerSur Schreiber, je suis carrément d'accord, il est excellent dans ce film.