Produite
par la BBC à l’occasion du 125ème anniversaire de la naissance d’Agatha
Christie, tout comme Partners in Crime
l’été dernier, And Then There Were None
est l’adaptation du roman le plus célèbre, le plus transcendant et probablement
le plus brutal de la célèbre auteure britannique : Dix Petits Nègres, huis clos insulaire où dix inconnus se
retrouvent à faire face aux jeux de leur mystérieux hôte. Pilier du polar à l’influence
difficilement mesurable, c’était un défi aussi passionnant que courageux – à cette
occasion, les moyens ont d’ailleurs été mis en place : au scénario, Sarah
Phelps, l’une des scénaristes phares des récentes fictions de la BBC (The Casual Vacancy, Great Expectations ou encore Sirens) ;
au casting, rien de moins que Charles Dance, Sam Neill, Burn Gorman ou encore
Toby Stephens.
Dès
l’introduction du pilote, le ton de cette adaptation est donné. On pense dès le
départ à Shutter Island, avec ces
orchestrations sombres et vibrantes, ces longs plans d’ensemble et ces couleurs
marécageuses ; et c’est bien cette direction que la mini-série choisit pour
les deux épisodes suivants. Une ambiance très modernisée dans son style, dans
sa noirceur psychologique, dans son écriture. Dans une certaine mesure, l'atmosphère est fidèle au roman de Christie : elle y est juste plus prononcée. Les
lecteurs du livre ne seront pas perdus, car si on retrouve des changements dans
la construction (notamment dans la dernière partie), dans les dialogues et même
dans l’évolution des personnages, le matériel d’origine est respecté.
Une
forme oppressante, claustrophobe et décadente qui peut parfois être étouffante.
On sent les effets forcés, tandis que d’autres (notamment les flashbacks)
laissent perplexes. Ils servent la narration mais freinent l’immersion.
Immersion qui, dans Dix Petits Nègres,
atteignait son paroxysme dans la conclusion profondément choquante et mystique,
qui perd ici de sa force dans l’interprétation intelligente mais moins
mémorable de la célèbre scène finale. Un changement malin mais qui remet en
question la vision très linéaire du récit choisie par Sarah Phelps. Finalement,
l’adaptation est solide mais sans personnalité, et c’est là sa plus grande
limite.
Le
casting est pourtant absolument impeccable. Aucune fausse note dans ce défilé
des plus brillants acteurs du petit écran d’outre-manche. Si l’une des failles
du roman était la relative simplicité des protagonistes ; ils sont ici
parfaitement interprétés, donnant à ces figures connues une profondeur
supplémentaire, une voix et un relief. Au théâtre, cela serait suffisant, mais
la télévision mérite un investissement en plus.
Dix Petits Nègres bouleversait des codes
de la plus brillante des manières, révolutionnant en silence les traits reconnaissables
du roman christien. L’erreur de And Then
There Were None c’est d’y appliquer une forme ni originale, ni
incroyablement maîtrisée, illustrant d’une manière bien timide cette leçon d’écriture
et de construction romanesque. On la recommandera pour les amateurs du bouquin
et les spectateurs en recherche d’un polar divertissant – mais on attend
toujours une relecture digne du livre original.
C'est exactement ce que j'ai ressenti quand j'ai regardé les 3 épisodes de cette série, même si c'est mieux écrit dans cet article.
RépondreSupprimerQuand je me suis mis devant cette série, j’espérais retrouver la noirceur des 10 petits nègres avec une lente décente aux enfers et dans la paranoia, et j'ai été surpris de cette ambiance qui a en fait le même degré de noirceur du début à la fin. C'est dommage, parce qu'il y a de bonnes idées, mais comme la réalisation reste toujours la même, les moments les plus forts n'ont pas plus d'intensité.
Certaines scènes du roman sont inadaptables, comme ce passage ou la narration passe dans la tête des différents personnages, dont celle de l'Assassin, sans qu'on sache qui il est. Mais la série passe à coté du génial potentiel cinématographique de certains passages du livre (comme par exemple le moment où les personnages se rendent comptent qu'il ne peut pas y avoir de 11e personne sur l'île, la noirceur de la comptine, la paranoia sourde, ou le face à face des "deux petits nègres"). Pire, la série permet même de deviner assez facilement qui est le coupable avant la révélation finale (je n'en dis pas plus pour ceux qui n'ont pas lu ou vu).
Cela dit, j'ai passé un bon moment devant cette série avec le casting au poil (surtout l'actrice jouant Vera qui est une bonne surprise), et surtout pour les nouvelles idées qui fonctionnent bien à l'écran. Mais comme tu dis, il faudra attendre pour une relecture à la hauteur du style d'écriture. C'est dommage car on n'est pas passé loin.