CEMETERY OF SPLENDOUR (2015)
RÉALISÉ PAR APICHATPONG WEERASETHAKUL
AVEC BANLOP LOMNOI, JENJIRA PONGPAS, JARINPATTRA RUEANGRAM
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Avec
la situation politique qui secoue depuis mai 2014 la Thaïlande – un coup d’état
ayant transformé le pays en une dictature militaire – Cemetery of Splendour possède le goût déchirant d’un au-revoir. Apichatpong
Weerasethakul aime son pays ; il a été le pilier de cette nouvelle vague
cinématographique thaïlandaise, mais désormais, il semble désespéré. L’art,
dans un régime totalitaire, ne peut pas s’épanouir pareillement. Ce volet 2015
pourrait donc être le dernier film qu’il réalise au cœur de ses terres natales.
C’est
comme si, par la force des choses, la filmographie de Joe prenait une dimension
supplémentaire – une ligne politique s’insérant discrètement entre la poésie de
ses images et les questionnements existentiels qui l’ont toujours fasciné. Mais
même quand il s’essaie au social, Joe ne trahit pas son amour du cinéma, et Cemetery of Splendour est une œuvre tout
aussi fascinante que ses précédentes. N’y voyons pas non plus un brûlot
désinvolte ; il s’agirait plus certainement d’une triste chronique de
l’état d’un pays en crise identitaire.
Ce
rapport au surnaturel n’aura que rarement été aussi bien dosé. Comme d’habitude
chez le thaïlandais, le fantastique apparaît par petites touches, acceptées
comme crédibles et logiques par les protagonistes – ce qui semble, dans Cemetery of Splendour, mieux équilibré
que jamais, c’est cet émerveillement devant un tableau familier qui, comme en
opposition à ces histoires de fantômes, n’a en apparence rien de singulier.
Cette sobriété d’effets, illustrée par cette scène inoubliable de visite d’un
palais ancestral imaginaire, donne une force évocatrice sans pareil au film de
Joe : il ne perd jamais de vue cette magie, cœur de son cinéma et de son
style, qui illumine ses films de cette beauté parasite du quotidien.
Cemetery of Splendour est une œuvre sobre.
Peut-être la plus sobre de Joe depuis Blissfully
Yours, mais elle n’en demeure pas moins un cri de douleur étouffé, un chant
du cygne enchanteur et bouleversant, qui ne tombe jamais dans le désespoir ni
dans le pitoyable. Au contraire, Cemetery
of Splendour est un superbe accomplissement, une balance parfaite de rêve,
de tradition et d’engagement. Si c’est un bel et bien un adieu, il est tout
simplement magnifique.
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