Quelques
années avant la sortie de GoldenEye
qui signa le point de départ d’une carrière cinématographique remarquée, Martin
Campbell fit ses armes sur le petit écran, avec notamment Edge of Darkness, eco-thriller en six épisodes sorti au crépuscule
de l’année 1985 dont il réalisera d’ailleurs un remake hollywoodien avec Mel
Gibson vingt-cinq ans plus tard. Succès critique indiscutable en son temps,
lauréat de nombreux BAFTA, la mini-série est aujourd’hui considérée comme l’un
des meilleurs programmes télévisuels de l’histoire de la BBC, ce qui n’est pas
peu dire.
La
télé britannique a toujours traité avec un soin tout particulier ses fictions
maison. Edge of Darkness, au-delà de
son thème musical très eighties, c’est une mise en scène précise, une production
de l’envergure d’un long-métrage et l’ambition d’évoquer des sujets brûlants de
l’époque. Pour faire court, la création de Troy Kennedy Martin a passé
l’épreuve du temps, et mériterait même l’attention des cinéphiles les plus
réactionnaires. Elle est le témoin même de cette vague de séries paranoïaques
mesurées, avec entre autres Tinker Tailor
Soldier Spy, qui plus que de simplement construire une tension pesante
continue, dressent le portrait d’une société qui ne se fait pas confiance.
Edge of Darkness s’inscrit parfaitement
dans l’après-perestroïka, au moment de l’apaisement des tensions héritées des
heures les plus sombres de la Guerre Froide laissa place à la crainte d’une
menace intérieure, entre le terrorisme, la remise en question de l’énergie
nucléaire, d’une part, mais aussi d’une manière plus globale des liens étroits
entre les entités gouvernementales et les monstres économiques. En soi, Edge of Darkness étant une série
britannique, elle est un témoin de l’ère Thatcher. La célèbre Premier ministre
en devient presque un personnage à part entière, tant l’ombre de sa gouvernance
autoritaire plane à chaque seconde sur l’ambiance de l’œuvre.
Si
le scénario perd quelque peu en puissance lors des derniers épisodes, Edge of Darkness demeure une
démonstration fascinante d’écriture. Complexe sans être incompréhensible, linéaire
sans être facile, sachant ménager ses effets, préférant la logique aux désirs
de l’audience. Il y a aussi l’intelligence de savoir à merveille utiliser le
format-piège de la mini-série : un seul personnage, deux thématiques (le
deuil et l’écologie), le tout sous l’égide d’une seule intrigue. Derrière le brûlot
politique pertinent se cache effectivement une quête intime désespérée, portée
par un Bob Peck au climax qualitatif de sa carrière.
Si l’on
omet sa bande-originale vieillotte et un ou deux effets spéciaux un peu kitschs,
Edge of Darkness mérite toute l’attention
que l’on est en mesure de lui porter. Modèle d’écriture télévisuelle pas loin d’être
en avance sur son temps, observateur engagé des problèmes évidents de ses
contemporains, mais surtout possesseur d’une réalisation raffinée, distillant
une ambiance obscure et possesseur d’une photographie très réussie. State of Play dans les années 80 avec
une pincée de The Hour. Un indispensable.
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