LE ROULEAU COMPRESSEUR ET LE VIOLON (1961)
CYCLE ANDREÏ TARKOVSKI
AVEC IGOR FOMCHENKO, VLADIMIR ZAMANSKI, MARINA ADJOUBEÏ
Bien
longtemps avant ses errances métaphysiques qui le verront se faire aliéner par
le comité de censure soviétique, Andreï Tarkovski fut élève à la VGIK, la
célèbre école de cinéma moscovite, dont Le
Rouleau compresseur et le Violon, son troisième essai derrière la caméra,
sera aussi son projet de fin d’étude. Un film précoce mais qui présente déjà
des noms connus : de Vladimir Zamanski, que l’on retrouvera près de deux
décennies plus tard au générique de Stalker,
au scénariste Andreï Kontchalovski, en passant par le chef opérateur Vadim
Ioussov et le compositeur Ovtchinnikov, tous des fidèles du célèbre cinéaste
russe.
Il
serait pourtant erroné de penser Le
Rouleau compresseur et le Violon comme une amorce à la filmographie du
metteur en scène. En dehors de quelques gimmicks bien connus (les plans « reflets »
et la place de la pluie dans certaines scènes), c’est un Tarkovski doux et
léger que l’on retrouve à la tête d’un moyen-métrage vraisemblablement à
destination d’un public majoritairement enfantin. Cette quête d’une certaine forme
de poésie se retrouve dans le jeu intelligent avec les couleurs, envoutantes
jusque dans leur plus discrète utilisation, et dans les échelles de plan
dynamiques. Tarkovski s’amuse avec les contrastes, pour signifier ses trois
différentes figures symboliques (le musicien, l’ouvrier et la mère), se référant
aux trois entités principales du régime soviétique que sont l’art, le
prolétariat et la Patrie. C’est d’ailleurs cette thématique qui transcende le
film de bout en bout : l’interaction difficile entre ces pôles
philosophiques opposés, chacun répondant à sa propre logique.
Le Rouleau compresseur et le Violon
revêtant finalement l’habit d’un film de propagande, le message qu’il tente –
et parvient brillement – à faire passer demeure pourtant tout à fait admirable.
L’importance sociétale à la fois du travail ouvrier et de l’essai abstrait, qui
interagissent et s’alimentent l’un l’autre. Un sujet qui se trouvera un
développement supplémentaire dans Andreï
Roublev, traitant lui aussi du rôle social de l’artiste et de la manière
dont il est accueilli.
Le Rouleau compresseur et le Violon n’est
sans doute pas au niveau des plus grands films du Maître, mais l’ignorer du
fait de sa nature technique (le moyen-métrage d’un étudiant en cinéma) ou
politique (vantant les valeurs d’un régime formellement immoral), ce serait
passer à côté d’une merveille visuelle qui, en plus de démontrer le talent pictural
passionnant de Tarkovski, se révèle d’une profondeur inattendue.
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