WHILE WE'RE YOUNG (2015)
RÉALISÉ PAR NOAH BAUMBACH
AVEC BEN STILLER, NAOMI WATTS, ADAM DRIVER
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Beaucoup
comparent souvent le cinéma de Noah Baumbach à celui de Woody Allen. Un
parallèle facile, justifiable sur certains aspects (bourgeoisie américaine,
humour grinçant sur les questionnements existentiels de quadragénaires
new-yorkais, place prépondérante du couple dans le récit), mais qui trouve
rapidement ses limites : Baumbach ne semble pas faire des films pour les
mêmes raisons que Woody Allen. L’un est un cinéphile évident, l’autre un
marginal amateur de théâtre. Mais surtout, contrairement à Allen, on retrouve
chez Baumbach une composante sociale inédite : ce recul sur sa propre
condition et celle de ses personnages, prisonniers de leur microcosme, devient
une thématique centrale de son récit.
While We’re Young n’est pas un film fait
pour tout le monde. Si le spectateur est allergique aux bobos new-yorkais
déconnectés de la réalité qui se trimballent avec un fedora en se plaignant du
temps qui passe, ce n’est même pas la peine d’essayer : le nouveau
Baumbach s’inscrit totalement dans cette définition. Le film n’est pas
totalement premier degré, bien entendu, on sent un certain plaisir qu’a le
cinéaste à s’amuser de l’égocentrisme de ses personnages, mais cela ne change
pas radicalement le visage du long-métrage.
Baumbach
préfère ses personnages et leurs relations aux interactions privilégiées par le
cinéma de Woody Allen. Chez ce dernier, le statu quo est le fil conducteur de
la diégèse, alors que les liens invisibles qui joignent les personnages de While We’re Young sont constamment en
mouvement. Ils évoluent, ils se transcendent et se surprennent. Un cinéma plus
humain, en somme, Greenberg en était
d’ailleurs un exemple parfait. C’est de là que naît le comique, quand la réalité
se confronte au fantasme, car en illustrant ce choc générationnel par le biais
d’une relation d’amour-haine, avec comme casus belli un sentiment mélancolique,
Baumbach décrypte le déni de sa propre condition sociale. Derrière ces riches privilégiés
se cache peut-être finalement un message plus universel, une réflexion profondément
pessimiste sur l’état de la société qui, si elle n’évite pas quelques choix
discutables (notamment de traiter des différences temporelles par le biais de l’art
et des médias), se révèle intelligemment menée : plutôt que de s’intéresser
aux victimes du monde, Baumbach se concentre sur ses privilégiés.
On
est certainement assez loin de l’exercice de style – proche du pastiche –
expérimenté avec Frances Ha, mais
après cette parenthèse inattendue, Baumbach revient à ce qui avait fait
autrefois la saveur toute particulière de son cinéma : un essai social s’argumentant
autour de personnages élitistes qu’on aimerait détester, mais que le cinéaste
parvient à humaniser avec une facilité déconcertante. Même un universitaire
documentariste égoïste ne peut être qu’attachant lorsqu’il est interprété par
Ben Stiller. Savoureux.
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