Deux
ans après la débâcle Odysseus, les
scénaristes Frédéric Azemar et Florent Meyer reviennent sur Arte pour une
mini-série événement en trois épisodes, tous réalisés par le metteur en scène
Xavier Palud, connu pour ses films de genre inégaux mais plutôt maîtrisés, dont
la pièce maîtresse est sans doute Ils.
Ce n’est d’ailleurs pas une surprise de le retrouver ici puis que Intrusion est au final une parfaite
réponse à ses précédentes œuvres : high concept fantastique, thème de la
dualité et surtout une maîtrise formelle exemplaire (surtout sur le PAF).
Intrusion est une série-labyrinthe :
distillant savamment une ambiance mystérieuse, brouillant avec intelligence les
frontières du réel et du fantastique – parvenant d’ailleurs à perdre le
spectateur tout en conservant une véritable logique parfois difficile à
appréhender. Et c’est là finalement la vraie réussite de Intrusion : quand la réalité se noie dans l’abstraction, quand
les visions de cauchemars se transforment en allégories existentielles, la
forme volontairement sobre prend tout son sens. Attention, la réalisation de
Palud n’en est pas pour autant dépourvue de mise en scène visible, au contraire :
c’en est un autre grand atout, car en plus du travail d’orfèvre réalisé sur l’ambiance,
des idées de plans viennent donner une identité visuelle purement
cinématographique à la série.
Intrusion est un objet télévisuel très
particulier puisqu’il se regarde comme un film – en une fois, en enchaînant les
trois épisodes – mais répond pourtant à un pur schéma épisodique, fonctionnant
par étapes. Un découpage, oui, mais un découpage parfaitement orchestré :
cette descente aux Enfers se montre de plus en plus oppressante et de plus en
plus incompréhensible, usant d’indices et de truchements narratifs pour se
diriger soigneusement vers sa révélation finale.
Il
ne faut pas pour autant appréhender le visionnage de Intrusion, car même si son unique enjeu est d’amener le spectateur
à sa conclusion, ses trois scénaristes savent à merveille combler l’espace
diégétique restant. Une intrigue simple, directe, qui ne sort jamais de sa
ligne directrice principale. En ressort une impression d’efficacité totale,
aidée par une construction très réussie du récit qui ne parvient jamais à
ennuyer. Juste assez avare en explications pour ne pas paraître didactique,
juste assez généreuse en points d’interrogations pour souligner son ambiguïté.
On pourra trouver la fin un peu trop excessive, mais c’est du reste un parfait
équilibre que trouve Intrusion. Contrairement
à Odysseus qui péchait – entre autres
– de par sa production en roue libre, Intrusion
est techniquement irréprochable, la solidité du casting (un excellent Jonathan
Zaccaï) facilitant grandement l’immersion.
Intrusion a ses travers, ses défauts et
ses limites. Mais elle est remarquable en deux points : l’accomplissement
de sa démarche, d’une part, fascinante et envoutante, mais aussi, d’autre part,
sa place très intéressante sur le petit écran français. Alors que les
productions de genre nationales peinent à percer dans les salles obscures, bien
souvent à cause de leur qualité plus que discutable, voir le fantastique se
faire une place de choix sur une chaîne comme Arte est en soi un beau message d’espoir.
L’Echelle de Jacob rencontre Enemy dans un chalet alsacien : de
quoi passer se passionner pendant un peu plus de deux heures devant une très
agréable surprise.
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