Passé
l’excitation de retrouver Bong Joon-ho et Shim Sung-bo à la co-écriture d’un
même film, plus de dix ans après Memories of Murder, difficile de contenir son impatience : et
pourtant, c’est quasiment un an après sa sortie au pays du matin calme que Sea Fog arrive enfin dans nos salles
françaises, ou plutôt dans les rares salles le programmant – on ne peut
cependant pas vraiment blâmer la jeune société The Jokers qui a déjà bien du
mérite de distribuer le film. Adaptation d’une pièce de théâtre, elle-même
inspirée d’un fait divers survenu en 2001 en Corée du Sud, Sea Fog est donc la première réalisation de Shim Sung-bo,
réunissant Kim Yun-seok ou encore Kim Sang-ho, entre autres visages connus d’Hallyuwood.
Impossible
de ne pas reconnaître la patte Bong dans Sea
Fog, principalement dans les personnages – on retrouve cette sensibilité
sociale alliée à une cruauté morale, à la limite du malaise, ces hommes ordinaires confrontés à l’impensable, à un monde animal qu’ils ne comprennent pas. Sea Fog est un cauchemar, une aventure
tétanisante et oppressante qui fascine autant qu’elle dégoute, qui interroge
autant qu’elle surprend. Bien plus qu’un thriller dans la pure veine kimchi, Sea Fog est aussi et surtout un
formidable drame sur fond de crise populaire et économique, l’effondrement financier
de la classe populaire coréenne – le tout traité avec une justesse surprenante
à la vue de la brutalité dont fait preuve Shim dans sa narration, questionnant
autant moralement son spectateur que ses protagonistes.
Âpre
et violent jusqu’à sa dernière note, c’est surtout dans sa deuxième moitié que Sea Fog s’envole, notamment grâce à cette superbe mise en scène qui use de son environnement comme d’un véritable
personnage. Le brouillard, le chalutier, la cale : chaque recoin de ce
bateau qui sert à la fois de décors et de moteur scénaristique, devient un
nouvel acte de cet enfer perdu au milieu de l’océan – on ne différencie
plus la folie du désespoir, l’amertume de la bestialité.
Sea Fog est un grand film choc,
huis-clos à ciel ouvert à la frontière du conte philosophique. Il y a les
promesses d’un cinéaste qu’on l’on aimera retrouver à l’avenir, mais aussi l’empreinte
de l’un des plus grands maîtres modernes qui imprime, même discrètement, l'ambition d’un cinéma fort, intelligent, tragique et dévastateur. Immanquable.
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