RÉALISÉ PAR DANIEL ESPINOSA
AVEC TOM HARDY, JOEL KINNAMAN, NOOMI RAPACE
Après un premier film prometteur réalisé dans son pays d’origine,
le suédois Daniel Espinosa avait traversé l’Atlantique sans grand succès en
proposant un Denzel-movie idiot et ennuyant.
C’est donc après un développement laborieux – projet avorté de Ridley Scott,
mort de Philip Seymour Hoffman remplacé au pied levé par Vincent Cassel – que son
troisième film, adaptation d’un roman de Tim Rob Smith, sort sur nos écrans.
Avec à son casting le charismatique Tom Hardy, Gary Oldman dans le rôle de Gary
Oldman, le sous-exploité Joel Kinnaman – révélé par la première réalisation de
Espinosa il y a cinq ans – et Noomi Rapace qui avait pourtant disparue des
radars depuis un moment, Enfant 44
est un polar dont l’action se situe dans l’URSS des années 50.
Qui dit URSS dit forcément russes, et la production s’est
lâchée sur ce coup-là : tous les interprètes sans exception baragouinent
leurs dialogues avec un accent ridiculement forcé – si ce n’est hilarant – qui coupe
complètement l’immersion si on y fait trop attention. Dommage de diriger un
casting aussi prestigieux de manière aussi grossière – et finalement c’est là
le cœur du problème de Enfant 44 :
un potentiel, mais qui demeure une simple théorie.
Enfant 44 est un
film très dense, malgré les pincées d’ennui poli qui pointent leur nez de temps
à autres. De multiples arcs scénaristiques se chevauchent, surtout dans la
première partie, mais jamais Espinosa ne semble s’intéresser à sa longue
galerie de personnages qui n’ont qu’un background de surface. Dans son climax,
on nous explique que Enfant 44 est un
film sur le système : comment il corrompt les esprits, comment il se
dédouane de ses responsabilités, comme il forge ses propres monstres. Mais
jamais les flashbacks un peu forcés et les dialogues trop superficiels ne nous
le font deviner, ou viennent compléter cette vision très pessimiste des
sociétés humaines. Jamais Enfant 44 n’invite
à la réflexion, alors qu’il prend même des allures de critique bête et méchante
du régime soviétique sans aucune forme de demi-mesure, alors qu’il pouvait être
bien plus que cela.
Il y a des qualités formelles évidentes, car même si
Espinosa n’est pas un esthète très marqué ou juste un conteur talentueux, il
donne à certaines scènes une force de contexte évocatrice. Ce serait mentir que
de dire que le réalisateur est un tâcheron : on aurait certes apprécié une
autre tête à la barre, mais dans les limites que lui impose son statut de
faiseur correct, Espinosa fait le boulot. Sans envergure, mais en restant très
loin de la catastrophe envisageable.
Enfant 44 déçoit
sur bien des aspects. Sage, un peu longuet, très vain et surtout à des
kilomètres de ses possibilités maximales, il demeure un polar divertissant
plutôt original mais qui ne mérite pas quelconque attention particulière. Voir
un récit potentiellement passionnant mis en forme dans un tel spectacle calibré
et mollasson est désenchantement de plus sur la position actuelle du cinéma
hollywoodien. Dommage.
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