A PETAL (1996)
RÉALISÉ PAR JANG SUN-WOO
AVEC LEE JUNG-HYUN, MUN SEONG-KUN, CHU SANG-MI
Jang Sun-woo est un dinosaure du cinéma coréen - l'un des
premiers réalisateurs qui a pris part à cette nouvelle vague Hallyu débutée
dans les années 90. A Petal s'inscrit
en plein centre de sa courte filmographie, drame engagé à l'ambiance aussi
réaliste qu'elle est parfois psychédélique, contant l'histoire d'une jeune
femme traumatisée par le fameux massacre de Gwangju commis par l'armée
sud-coréenne contre des manifestants en 1980. Un événement qui a profondément
marqué le pays et qui est couramment traité au cinéma, parfois sous le prisme
de la vengeance (26 Years) ou encore
du huis-clos oppressant (National
Security). A Petal ne rejoint
cependant aucune de ces deux catégories.
Le film de Jang s'argumente davantage comme un film mémoire
- la personnage principale qui s'est retrouvée au cœur de ce bain de sang en
conserve les cicatrices, alors que l'ensemble du pays est en pleine mutation et
semble tirer un trait sur ce passé proche douloureux. A Petal possède à la fois ce point de vu intimiste (le traumatisme
de Gwangju) et d'ensemble (Corée-du-Sud en transition politique), se posant à
bien des égards comme un véritable pamphlet. Un devoir de mémoire transmis par le film qui ne se limite pourtant
pas à cet aspect - drame aux allures de tragédie, bouleversant et touchant sans
jamais faire dans l'émotion facile tire-larmes, récit à la fois d'une quête
apparemment impossible (mais sans cesse proche de son aboutissement, en tout
cas c'est l'impression qu'en donne le montage presque intemporel) et d'une
relation improbable et indéfinissable (père-fille, amants, amis ?).
Porté sur les épaules par un excellent casting (Lee Jung-hyun en tête),
magnifié par une bande-originale absolument parfaite (entre rock sixties psyché
coréen et petites mélodies douces-macabres) et une réalisation inventive à
défaut d'être dénuée de défauts (les séquences animées sont, à cet égard,
plutôt inutiles et faussement ambitieuses) – A Petal prouve qu'il est aussi une réussite formelle évidente. Les
séquences flashbacks notamment font
office de moments à la fois de grâce et d'horreur justes et fascinants.
Un drame psychologique marginal et riche de sens -- une
folie dans la mise en scène et la narration (sans cesse décousue) typiquement
coréenne, des personnages forts et un rythme soutenu qui empêche tout ennui. On
frôle bien souvent le génie, et on ne peut que se lamenter que cette petite
merveille ne soit pas plus connue. Si les plus pinailleurs pourront trouver la
démarche parfois artistiquement naïve (mais pas scénaristiquement, attention),
ça ne fait que participer à la beauté désuète de A Petal, dont le titre - si court soit-il - semble réunir toute la
poésie et la majesté de la production.
Critique écrite le 22 août 2014
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