RÉALISÉ PAR MARJANE SATRAPI
AVEC RYAN REYNOLDS, GEMMA ARTERTON, ANNA KENDRICK
Étonnant
de retrouver la bédéiste-réalisatrice Marjane Satrapi à la tête de ce projet
comique-horrifique américain – c’était loin d’être une évidence au regard de
son parcours, mais finalement The Voices
s’inscrit parfaitement dans cette continuité. Atmosphère cartoon, construction
fine des couleurs : il y a dans The
Voices cet esprit BD, légèrement loufoque, tout en étant profondément
tendre et cotonneux.
C’est
surement là la plus belle surprise de la part du film de Satrapi : ce
mélange des genres absolument dingue, qui ne choque jamais et qui atteint, à chaque
fois, la finalité de ses ambitions. La comédie horrifique virtuose laisse place
au drame tragique sur la santé mentale et les fantômes du passé, le thriller
intériorisé se mêle à la maestria visuelle de chaque plan. The Voices, en plus d’être un film malin – et de ne pas le cacher –
s’amuse aussi avec le spectateur : aucune piste sensorielle n’est laissée,
tout est trouble, en particulier le feedback face à l’écran, faut-il rire ou s’émouvoir ?
S’attacher ou se répugner ? Dessiner, puisque c’est bien le mot, avec
autant de malice et d’ambiguïté un serial killer aussi attachant, c’est une
preuve de grand talent. Surtout si, au final, c’est pour délivrer une réflexion
non moins passionnante et intelligente sur la schizophrénie et l’instabilité
sociale.
Ryan
Reynolds crève l’écran. Tantôt terrorisant, tantôt tragique, tantôt hilarant,
Satrapi s’amuse de cette multiple-personnalité en empilant clin d’œil sur clin
d’œil, référence sur référence, idée sur idée, alternant pastiche d’épouvante et
allégorie cérébrale au travers d’un appartement. C’est non seulement le
meilleur rôle de sa carrière, mais c’est en plus une interprétation excellente
tout court – tout en nuances, chaque défaut devenant un charme fondamentalement
appréciable.
Bien
sûr que The Voices peut agacer de par
sa lourdeur formelle, mais le film de Satrapi est d’une telle ingéniosité qu’il
ne laisse aucun temps mort. Déluge d’émotions multipolaire aux voix nombreuses qui
s’affirme tout aussi bien en conte macabre désenchanté qu’en délire fabriqué
foncièrement doux et plaisant. Outre le talent inattendu de Ryan Reynolds, c’est
la révélation d’une auteure désinvolte et polyglotte qui fait de The Voices un prodige marginal.
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