Malgré
ses House of Cards et autres Orange is the New Black, il manquait
encore à Netflix une grande série. Une œuvre capable de transcender, de laisser
une empreinte profonde chez son spectateur, de lui rappeler – avec talent – la grande
époque d’HBO qui fait désormais office de référence lorsqu’il s’agit de juger
de la qualité d’une série. C’est désormais chose faite. Il faut dire qu’en
faisant appel au trio KZK déjà à l’origine de Damages, et en réunissant pour l’occasion un casting cinq étoiles –
Kyle Chandler, Sam Shepard, Ben Mendelsohn, Sissy Spacek ou encore Linda
Cardellini – le service de VOD avait mis toutes les cartes de son côté.
Dans
une lente exposition, Bloodline prend
le temps de nous présenter ses personnages, ses enjeux, son contexte. C’est
sans surprise que l’on retrouve un procédé déjà fortement présent dans Damages, avec des retours et des
avancées incessantes dans la timeline, brouillant repères et temporalité,
abusant de flashbacks, de flashforwards et surtout d’ellipses. Car dans une
narration qui laisse une forte place aux mystères et affres du passé, Bloodline joue énormément sur le non-dit
et le supposé, soulignant la forte ambiguïté du récit et les contours flous de
ses personnages – effaçant ainsi tout manichéisme. C’est la logique et la
cohérence de cette brillante construction qui pose une ambiance si particulière :
Bloodline est une série sur le secret,
et cela se ressent complètement dans la forme, subtile et pourtant loin d’être
discrète.
Là
où Bloodline fascine donc encore
plus, c’est dans sa mise en scène. Entre des plans recherchés comme on en voit
trop rarement à la télévision et une photographie à tomber de beauté – toutes les
scènes nocturnes sont hallucinantes – Bloodline
est une série techniquement exemplaire. Il n’y a presque aucune fausse note,
car bien au-delà de l’ambition visuelle admirable du show, l’ensemble est d’une
grande maîtrise qui, même au cinéma, serait déjà bien au-dessus de la moyenne.
Rien
de tout cela n’aurait eu de sens sans l’incroyable direction d’acteurs,
principalement des têtes d’affiche. Si les talents de Kyle Chandler ou de Sissy
Spacek n’étaient déjà plus à prouver, c’est bel et bien Ben Mendelsohn qui tire
son épingle du jeu, campant un personnage passionnant mais que l’interprétation
rend encore plus mémorable. Si l’australien ne récolte pas une flopée de
récompenses pour ce rôle de tragique vilain petit canard de la fratrie, ce
serait un véritable scandale.
Famille
et cicatrices de l’enfance sont au cœur de Bloodline.
Chaque événement, chaque scène, semblent mener jusqu’aux trois derniers
épisodes magistraux, d’ors et déjà l’un des plus grands arcs scénaristiques de
l’année. Tragédie psychologique aux accents de thriller, de polar et de drame
familial, la nouvelle production Netflix est une belle claque qui, si elle ne
déborde pas nécessairement d’originalité, aura su nous proposer l’une des œuvres
les plus maîtrisées des derniers années, parvenant à surprendre, à émouvoir, et
à distiller un suspense délicat, certes exigeant, mais non moins tétanisant. Il
y a bien quelques défauts et autres intrigues moins intéressantes, mais en
ciblant un public plus réfléchi, Bloodline
se classe comme l’une des nouveautés les plus prometteuses de 2015, préparant
un envisageable futur chef d’œuvre. Les ressources et les preuves sont là, il n’y
a plus qu’à passer le cap du second acte. Monumental.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire