RÉALISÉ PAR BENNETT MILLER
AVEC STEVE CARELL, CHANNING TATUM, MARK RUFFALO
Bennett
Miller veut parler de l’Amérique. Vaste projet qui n’aura que trop inspiré les
cinéastes, nous dira-t-on. Déjà avec Truman
Capote et Moneyball pourtant, le
réalisateur s’essayait à l’analyse froide et désenchantée des failles béantes d’une
nation en perte de repères, dépossédée de ses figures et de ses rêves. Miller a
fait de son œuvre un véritable cauchemar, empli de visages brisés, torturés, de
personnages excentriques bien loin du fantasme. Interrogé sur le choix de Steve
Carell, Miller disait qu’il voyait une part obscure en chaque humoriste. C’est
peut-être là la plus profonde moelle de son film : au sein d’une industrie
hollywoodienne qui ne cesse de se prosterner devant la bannière étoilée, ce
portrait terrifiant des Etats-Unis est une curiosité aussi admirable qu’elle
est inattendue.
Il voit
les hommes lutter du haut de sa fortune. D’abord illisible, son regard se
décrypte au fil des minutes. Son identité s’écrit au rythme de la caméra de
Miller, ses traits se creusent : d’abord glacial, il se révèle humain,
faible et souffrant. Mais qui est-il vraiment ? Cette part d’ombre, de
mystère indéchiffrable, se dévoile pas à pas. Difficile de rivaliser face à ce
Steve Carell, monumental dans ce qui est sans doute le rôle de sa vie.
Terrassant de subtilité et de finesse dans chacun de ses gestes, il jette de sa
grandeur sur ses camarades d’affiche, Channing Tatum et Mark Ruffalo, tous deux
aussi excellents.
Bennett
Miller est un très grand. Chaque plan impressionne de maestria glaciale, mais c’est
surtout cette puissance infinie dans l’écriture de ces silhouettes embrumées
qui fascine et dérange. On nous évite toute vulgarité, toute lourdeur, tout
raccourci dans sa plume de réalisateur ; les scènes se suivent et ne se
ressemblent pas, les ellipses s’oublient et se jouent du spectateur, et les
dialogues écrivent les pages de ce roman fataliste.
Le rêve américain devient horreur, l’Aigle
devient un prédateur, le patriotisme se change en fanatisme et la volonté de
plaire en folie meurtrière. On admire, apeuré devant tant de noires pensées,
ces fantômes s’estomper devant l’autel de la passion et des utopies
décomposées. Le bien et le mal disparaissent, il ne reste plus que des hommes,
la complexité de leurs relations, de leurs histoires et de leurs destins. Des
hommes face à la réalité, saluant le drapeau d’une main, l’autre prête à
dégainer.
Tragédie
moderne, fresque dépressive des Etats-Unis et de ses nouveaux héros, Foxcatcher est un film incroyable. Plus
encore que la formidable direction d’acteurs, c’est la sobriété brillante de la
mise en scène qu’on retiendra du travail de Miller. Calme décadent dans ce
déluge de génie macabre qui fait de cette première claque de 2015 un grand film
indispensable, impénétrable, et pourtant si évident. Chef d’œuvre.
Moi il me tente bien celui-ci ! Merci pour la critique, ça motive pour aller au cinéma.
RépondreSupprimerTrès bon film, mais assez mal vendu. Beaucoup de personnes s'attendaient à quelque chose de nerveux alors que Foxcatcher est un film très posé !
SupprimerMerci du renseignement ! Je le verrais sans doute lors de sa sortie en DVD. :)
RépondreSupprimerThis is a greeat post
RépondreSupprimer