Comme je le disais, le cinéma danois se classe indéniablement comme l'un des plus en vue du monde, et ce depuis un bout de temps : mené pendant la première partie du XXème siècle par des figures de proue comme Benjamin Christensen (Häxan) ou Carl Theodor Dreyer (Ordet, La Passion de Jeanne d'Arc, Vampyr), il connaîtra une baisse de régime après la mort de ces cinéastes mais reviendra sur le devant de la scène dans les années 90, avec des noms aujourd'hui mythiques comme Lars Van Trier (Breaking the Waves, Melancholia, Dancer in the Dark) et Thomas Vintenberg (Festen, La Chasse), tous les deux créateurs du fameux Dogme95, mais aussi plus récemment Nicolas Winding Refn (Drive, Valhalla Rising, Pusher, Only God Forgives, Bronson), Bille August ou Susanne Bier. Il est aussi important de noter que le Danemark est aussi l'un des meilleurs créateurs de série au monde : Borgen, Forbrydelsen (The Killing), The Bridge ou encore Riget.
LE FILM
Tout ce que je savais de Ordet, c'était ce que Dreyer avait dit de son film qu'il fallait être croyant pour l'aborder. Je ne suis pas croyant. J'avais donc une légère appréhension : à quoi m'attendre ? Quelconque film religieux miséreux ? Un Sous le soleil de Satan danois de 1955 ? Ordet commence simplement : un type, dans une ferme, fils d'un ancien pasteur, qui se prend pour Jésus. Adapté d'une pièce de théâtre, le film de Dreyer se place rapidement comme "un film d'intérieur", un film de personnages, une famille croyante, mais où personne ne semble réellement croire en Dieu.
Ordet a quand même pris un sacré coup de vieux. L'histoire est passionnante dans ses choix, dans son approche novatrice de la Foi, d'une grande intelligence et brillamment menée, mais l'univers très théâtral, déjà pour l'époque, gêne rapidement. Mais bon, c'est non réellement dans ses partis pris techniques qu'il faut trouver un intérêt à Ordet, mais d'avantage dans ce à quoi Dreyer veut nous amener : on parle de mort, de prière, de spiritualité, de théologie, du rapport de l'homme à Dieu, de l'homme à la famille et de la famille à Dieu, mais surtout de Foi - dans tout ce qu'elle peut être, tant la Foi que l'on peut avoir en Dieu, mais aussi en la religion, en l'homme même, en l'avenir, la Foi dans ses convictions et dans ses croyances. Même en étant coupé de la religion, on ne peut qu'admirer une maîtrise assez majestueuse du bonhomme, qui en plus d'être une vision intéressante de la parousie, se définit de base comme un incontournable du genre.
Ordet traite de la religion comme personne ne l'a jamais fait - ou très peu - si bien qu'il devrait être un passage obligé pour tout personne croyante, car en plus de délivrer un réel message et une fresque de la Foi, le film de Dreyer est une expérience. Un film qui se vit réellement, en apparence inaccessible mais finalement étonnement universel.
Que dire de plus sur Ordet ? L'analyse pourrait certes durer des heures mais ce n'est pas le but de tout ceci. Il faut avoir Ordet, surtout si vous avez la Foi. Les réflexions du film, et l'intelligence avec laquelle elles sont abordés peuvent à la fois s'avérer comme un éveil ou comme révélation pour beaucoup - on parle ici de l'oeuvre d'un maître, d'un véritable génie du septième art dont le film, si il reste partiellement difficile à aborder, encore plus aujourd'hui, se définit comme l'un des plus grands films sur la religion jamais réalisé. Excellent. Belle façon de commencer ce Tour du Monde. Le genre de film où t'aimerai presque croire en Dieu pour l'apprécier complètement.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire