DRAME AMERICAIN
On aime ou pas Baz Luhrmann et son style esthétique et musicale - déjà auteur du plus ou moins fameux Romeo+Juliette et du déjà bien meilleur Moulin Rouge !, après un passage par le médiocre Australia, le réalisateur revient aux origines de son cinéma qui a fait son succès : de la romance sur fond d'époque, fresque d'une société décadente et effervescente. En adaptant le roman de Fitzgerald, Luhrmann se fixe beaucoup d'objectifs, et l'ambition du projet se ressent évidemment dans le propos, qui, si il n'est pas dépourvu de défauts, n'est pas avare en qualités.
En faites, le vrai coup de génie du film est sa bande-originale : disons d'emblée qu'elle est grandiose (de Kanye West à Lana Del Rey), mais ce n'est pas réellement les noms de ses artistes qui impliquent ces propos dithyrambiques mais plutôt leur cohérence avec l'univers dépeint. Fitzgerald était un passionné de jazz émérite, et son oeuvre dégouline de cette inspiration. Le jazz c'était le hip-hop, l'electro de l'époque : la musique tendance, havre des plaisirs les plus décadents et des orgies les plus fiévreuses. Difficile de retranscrire une telle ambiance en réutilisant dans un film actuel les auteurs de l'époque - pour faire ressortir de son Gatsby sa moelle la plus profonde, son essence même, celle d'une « orgie miteuse » (terme employé par les critiques de l'époque pour qualifier le roman de Fitzgerald), l'utilisation de ces musiques, en apparence en opposition totale avec l'époque dépeinte, rend le tout d'une cohérence incroyable - tant esthétique que musicale. Puisque visuellement, à défaut de l'avoir vu en 3D, Gatsby le Magnifique est Magnifique : son New York rétro numérisé volontairement kitsch, avec ces mouvements de caméra rapides, ces échelles de plans, ce montage électrique et un jeu de lumière sans cesse renouvelé, Luhrmann livre un travail incroyable - certains détracteurs diront clipesque, mais il est avant tout terriblement ambitieux.
Une autre conclusion à tirer du film : qu'on aime ou pas les projets qui l'entoure, DiCaprio est définitivement l'un des meilleurs acteurs américain encore en vie. On passera sous silence l'absurdité du snobisme que lui fait l'Académie des Oscars, mais après avoir été terrifiant dans Django Unchained, troublé dans Shutter Island et aussi convaincant dans J. Edgar, il crève littéralement l'écran ici, éclipsant presque tout le reste du casting : Tobey Maguire est certes assez neutre, mais son aire malicieux imputé au rôle grandit sa performance, Carey Mulligan est quelque peu décevante, Joel Edgerton sort son épingle du jeu mais c'est littéralement Elizabeth Debicki qui est la grande révélation du métrage, glamour et mystérieuse, et on espère qu'elle fera carrière après ce rôle de poids.
Mais il y a des longueurs. Deux heures vingt ce n'est pas rien, et si Gatsby n'affiche pas de trous béants scénarisitiques, ses lenteurs se démontrent de nombreuses fois - la conclusion se fait attendre dans la dernière demi-heure, certes réussi, mais qui souffre d'être moins festive que la première partie, réellement enivrante.
Ce Festival de Cannes édition 2013 s'ouvre de belle façon : malgré des faiblesses avant tout du côté de la performance de Carey Mulligan et de quelques baisses de rythme, Gatsby le Magnifique est une réussite évidente : un DiCaprio impressionnant, une esthétique irréprochable et une bande-originale détonante - Luhrmann confirme son statut d'artiste fascinant, et si on est loin du chef d'oeuvre qu'on aurait put attendre après la première bande-annonce (l'une des meilleures de ces derniers mois), on regarde avec fascination le déploiement de cette romance à la morale grave et riche.
Je l'ai vu aujourd'hui même (et c'est dommage que tu ne l'ai pas vu en 3D, car elle est réussie! J'ai eu la grande chance de chopper une séance Vo/3D et j'ai pas boudé mon plaisir). Et sur le film je suis entièrement d'accord avec toi, sauf sur la musique. Je dis pas qu'elle est pas bien, mais j'ai trouvé qu'au contraire elle se mélangeait pas du tout avec l'univers. Il m'a fallu beaucoup de temps pour rentrer dans le film justement à cause de ça, ça me sortait du film.
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