Y a un moment, dans une vie de cinéphile ou de sériephile, où on voit quelque chose qui nous bouleverse à un tel point qu'on ne s'en remet pas. Je dois dire que ça m'est très rarement arrivé - je parle d'un point de vue dramatique, tragique, que quelque chose me rendre si triste, si désespéré qu'à chaque fois que j'y repense, j'en ait des frissons, presque des larmes. Je dévore depuis quelques mois la série de HBO The Wire, considérée de façon quasi-unanime comme la meilleure série jamais réalisée, et de façon étendue comme l'un des meilleurs produits audiovisuel de l'histoire. Je prends toujours garde à laisser quelques temps entre chaque saison, l'apprécier en elle-même et non dans un ensemble puisque chaque saison de The Wire est bien différente des autres (on peut d'ailleurs leur trouver des thèmes propres - il faut savoir que The Wire tient d'avantage de la peinture sociale que du cop show banal).
La saison 4.
J'y suis.
Il faut savoir que si The Wire est la meilleure série de tous les temps, la meilleure saison est la Saison 4. On m'en a parlé, mais je ne voulais pas y croire. J'étais tellement fan de la saison 2 que je ne me faisais pas à l'idée qu'un niveau de perfection tel puisse être atteint. La série de David Simon prend son temps pour mettre en place ses intrigues et ses personnages, parfois même plusieurs saisons. En faites, elle les mets en place dès le départ mais de façon si subtile qu'on ne s'en rend pas tout de suite compte -- certains s'ennuient, d'autres abandonnent (et se reconnaîtront, chiens). Cette saison 4 débutait de façon optimiste, presque heureuse, un sentiment si rare dans le drame moderne qu'est The Wire. Et pourtant.
« You gonn' help, huh ? You gonna look out for me ? You gonna look out for me, Sergeant Carver ? You mean it ? You gonna look out for me? You promise ?! You got my back, huh ?! »
Ce point de non-retour, ce désespoir absolu au moment où on se rend compte que le bonheur n'existe pas - il n'y a que la violence, l'obscurité des âmes et la noirceur.
The Wire saison 4 c'est cette réalité. Si les saisons précédentes étaient sombre, celle-ci est noire. Terriblement noire, et c'en est bouleversant. Jamais encore dans un oeuvre de fiction je n'aurais été aussi attaché à ces personnages, à cet univers et me rendre compte à la fin, qu'ils n'ont aucun avenir.
On repense aux premières saisons, l'époque où on ne se rendait pas compte de la fatalité de ce monde. Tout ceci n'est qu'une fiction, mais elle est si réelle, si marquante et à jamais ancré dans mon esprit. Cette saison 4, ce n'est plus une simple série, plus de simples images projetées sur un écran de télévision, c'est autre chose. Une oeuvre avec un grand O, une peinture de notre monde et tout ce qui peut prêter au plus profond désespoir, montrer à quel point tout ceci n'est qu'une grande tragédie, dont la finalité sera celle de n'avoir aucun avenir, d'être condamné à décroître jusqu'à sa disparition. Ces personnages sont plus vivants que tout, car ils sont presque nous. Ils ne vivent pas les mêmes choses, on a pas les mêmes positions qu'eux, mais au final leur destin reste le même -- irrécupérables.
C'est cette grande force qui fait qu'on ne s'en remet pas.
The Wire n'a ni un happy end, ni un saddy end, juste une fin, comme tout au final. Une grosse pensée pour cette scène entre Randy et le Sergent Carver, ce cri de colère et de désespoir, cette longue remontée d'un couloir qui signifie tant, et sans autre chose qu'un «
You gonn' help ? » Avec toute l'objectivité possible, sans penser à ces pauvres gosses --
The Wire a réalisé ce qu'aucune série n'a jamais réalisé : en plus d'être parfait, porter un message social et existentiel si puissant qu'une semaine ne m'aura toujours pas remis de mes émotions. Je suis encore obnubilé par ces habitants de Baltimore, par ces flics, ces gosses de la rue, du
corner, ces profs, ces politiciens.
Respect.
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